Après diverses traductions liées à des mises en scène, création d’une collection "Théâtre contemporain en traduction" avec la Maison Antoine Vitez-Centre international de la traduction théâtrale
Ouvrage traduit par :
ISBN : 978-2-84705-283-1
EAN : 9782847052831
13x21cm, 104 p., 14 €
5 hommes, 1 femme
Publié avec le partenariat de la Fondation du Japon, dans le cadre de JAPONISMES 2018
2023
Un jeune randonneur entre dans un modeste restaurant d’Osaka.
Le propriétaire, aussi excentrique qu’asocial, lui propose de prendre sa place en tant que chef : il lui suffira de suivre ses indications par une oreillette et de servir les clients dans la salle tandis que lui, le chef, restera à l’étage, reclus, voyant sans être vu.
Les clients reviennent dont des habitués et un riche entrepreneur chinois à l’affût de bonnes affaires.
Se mettent ainsi en place incidemment des relations de domination et de manipulation – mais aussi de transmission. Au-delà, Kurô Tanino dénonce aussi une société d’hypersurveillance, rongée par la corruption.
« Une fable culinaire donc et envoûtante où se joue une étonnante histoire de manipulation et d’émancipation. (…)
Le protagoniste de la pièce y entre comme par hasard et va s’y installer durablement. Paumé et emprunté, ce jeune homme n’est pas du coin. Il débarque de Tokyo avec son grand sac sur le dos. Il n’a pas de travail et parcourt le pays sans but précis.
Il va faire une rencontre aussi étonnante que déterminante, celle d’un cuisinier, maître de l’omelette au riz – la meilleur du Japon –, un homme complexe, taciturne, peu avenant, las et désabusé qui lui impose de prendre sa place en guidant ses gestes au moyen d’une oreillette.
Le spectateur qui en possède une aussi entend les instructions souvent bougonnes du patron comme s’il était dans la tête du personnage, objet servile à l’observation voyeuriste de l’hôte reclus, mais promis à une importante transformation.
Homme de théâtre complet et ancien psychologue, Kurô Tanino veut ainsi entrer dans les âmes, les abysses, de l’être, révéler ses inquiétudes, ses aspirations, ses névroses, ses désirs.
Aussi invraisemblable que paraît son canevas inspiré d’un court manga de Haruki Izumi, la pièce ménage des moments de pure beauté, de drôlerie, d’émotion, de délicatesse et d’intensité.
Son personnage, très bien campé, est absolument attachant jusque dans ses maladresses et sa perte de contrôle. Amusé par l’idée, anxieux à la tâche, il s’exécute sans broncher et vit une initiation à la fois fascinante et dérangeante. (…)
Kurô Tanino parle aussi de la violence des mutations de son pays symbolisés par la construction d’un énorme bâtiment détenu par un promoteur chinois. La disparition de la culture et la dépossession du patrimoine sont des thèmes qui le préoccupent et qu’il exploite dans plusieurs de ses spectacles.
Tanino est un conteur qui fait culminer profondeur humaine et sociale, étrangeté et réalité. Son théâtre stimule aussi bien les sens que l’esprit. »
[Christophe Candoni, Scèneweb, septembre 2018]
« Kurô Tanino réussit à nous transporter sur scène en un clin d’œil ! Tout y est ! Le décor, les odeurs, les matières, l’atmosphère…
Cette auberge bien modeste, voire crasseuse, qui semble d’ailleurs de prime abord fermée, est devenue le décor parfait pour ce huis-clos des plus perturbants et des plus envoûtants…
Le duo époustouflant de réalisme tenus par le propriétaire et ce marcheur de passage fraîchement débarqué de Tôkyô, transmet à la fois une impression de gêne et de complicité. Comme si la confiance mutuelle s’était installée comme par magie.
À travers l’élève qui souhaite faire aussi bien que son Maître, Tanino fait intervenir des clients bien spécifiques qui dénoncent brillamment et subtilement la dépossession du patrimoine japonais, mais aussi ce rapport hiérarchique entre les êtres qui semble inéluctable et pourtant vain à l’élévation des Hommes.
Tanino est véritablement un virtuose dans l’art de rendre extraordinaires les situations les plus communes. Il parvient à s’infiltrer dans l’esprit de ses personnages et nous présente toujours des personnalités inoubliables.
On s’immisce alors dans leurs pensées, leurs secrets, leurs rêves, leurs aspirations, leurs hontes… La manipulation exercée dans cette pièce est totalement représentative du monde qui est le nôtre et du fonctionnement inhérent à notre société.
Cette pièce est un véritable bijou d’émotions. On passe par toutes les sensations possibles.
Ce huis-clos est bien plus qu’une pièce de théâtre, c’est une expérience exceptionnelle de lecture ! »
[Virginie, Lire et sortir, 6 juillet 2023]
« Ce qui frappe dans cette pièce, c’est d’abord la coïn¬ci¬dence de son dis¬po¬si¬tif et de son pro¬pos. L’auteur, en effet, sti¬pule que chaque spec¬ta¬teur sera équipé d’une oreillette et que les plats et recettes dont il est ques¬tion, seront réa¬li¬sés pour de vrai, dans un souci de dif¬fu¬ser leur odeur dans la salle.
L’un des deux per¬son¬nages prin¬ci¬paux (le jeune) se verra lui aussi muni de gré ou de force par le patron du res¬tau¬rant d’un tel appa¬reil. Le patron en son absence sur le pla¬teau (le rez-de chaus¬sée du res¬tau¬rant) dic¬tera, à la manière d’un souf¬fleur de théâtre ou d’une régie de télé¬vi¬sion, les gestes que le nou¬vel arri¬vant devra effec¬tuer ainsi que les pro¬pos qu’il devra tenir face à la clien¬tèle consti¬tuée d’hommes et de femmes, d’un humo¬riste, d’un Chinois.
La cui¬sine a sans doute quelque chose à dire sur le pou¬voir. Les recettes sont lin¬guis¬ti¬que-ment impé¬ra¬tives et sup¬posent une répar¬ti¬tion des actions entre le Chef, le Mas¬ter, et ses exé¬cu¬tants. Elle sup¬pose que le dire se fasse immé¬dia¬te¬ment faire.
Il y a peut-être là à consi¬dé¬rer enfin la matière dra¬ma¬tique comme une théâ¬tra¬lité par¬ti¬cu-lière fonc¬tion¬nant comme celle qui met en rela¬tion le met¬teur en scène et ses comé¬diens, qui jouent selon ses pro¬po¬si¬tions, ses com¬man¬de¬ments par¬fois. (…)
C’est tout le lieu en fait, qui est sous le contrôle des camé¬ras, des écrans, à la manière de la société actuelle. D’ailleurs à un moment, un écran dévoile des images de sur¬veillance pro¬ve-nant du monde entier. (…)
Mais en vérité, le per¬son¬nage du patron, qui finira par s’effacer, fait de son rem¬pla¬çant, un pri¬son¬nier. »
[Marie du Crest, Le littéraire.com, 4 août 2023]
Création en japonais surtitré dans une mise en scène de l’auteur au Festival d’automne de Paris, T2G Théâtre de Gennevilliers, Centre Dramatique National, en 2018.