Éditions Espaces 34

Théâtre contemporain

Textes d’aujourd’hui pour le théâtre. Ces publications sont régulièrement soutenues par la Région Languedoc-Roussillon, et depuis 2003 par la SACD.

Extrait du texte

« Nous avons pénétré tous nos écosystèmes trop vite », disent les Terriens.
« Et de manière trop imprudente.
Nous avons ravagé nos territoires.
Nous nous sommes exposés à des virus complètement inconnus à notre humanité.
La question devient politique », disent les Terriens.
Ils disent : « L’apparition d’une nouvelle maladie au potentiel pandémique ne sera pas déclarée avant qu’elle ne se soit répandue sur le monde ».
On ne va pas s’laisser hacker les Lacaniens !
Moi en tout cas pas moi !
Puisque j’vous dis qu’leurs dieux sont morts !
Fin des totems. Fin des points de croix et des calvaires fin des tabous !
Ça fait une paye que j’vous le dis pourtant !
Que l’Homme est son propre virus, déchet, déchet !
Rappelez-vous la formule les Lacaniens, Jacques a dit : « Là où il y a une accumulation de déchets il y a de l’Homme !
Le Tas D’Ordures : voilà une des faces qu’il conviendrait de ne pas méconnaître de TOUTE la dimension humaine ! »
Moi en tout cas pas moi je m’laisserai pas hacker !
Vous n’voulez pas m’entendre les Lacaniens !
Vous n’voulez pas m’entendre...
LalalaLangue détruit l’oreille.
On ferme les écoutilles.
On débranche on arrache, on dissout tous leurs câbles.
Je vais déménager d’planète !
J’OPtimise mon système je m’laisserai pas hacker !
Cette planète est foutue !
Cette planète est mortelle !
Ils ont flingué leur Terre. Bousillée la planète.
Que « nous avons sous-estimé l’impact », disent les Terriens.
Qu’ils « regrettent leur erreur », disent-ils.
Et OPtimisation en cours.


UnDeux,
Trois.
LesLacaniens ?
Vous avez bien désactivé tous vos micros ?
Je nous crois sur écoute.
Ils disent « se battre pour leur droit à la vie paisible », les Terriens.
Qu’est-ce qu’il NE faut pas entendre !


J’ai vu ces terres glacées des Alaskas, ces Chiens de traîneaux, ces meutes des Loups.
J’ai vu les pistes.
Et ces hauteurs, ces brumes vertigineuses des Kilimandjaros.
J’ai vu les Cordillères.
Et les Condors et les Pumas Inca.
Et les danses des Crotales j’ai vu et les danses des Cobras.
Les steppes et les savanes, les forêts tropicales.
« Nul ne saurait jamais en vérité ce que peut une forêt. »
J’ai vu leurs archipels, leurs murailles de corail, leur 7ème continent, l’océan de plastique.
Je garde en USB toutes les photographies.
Je télécharge je garde, oui téléchargement en cours.
J’efface les marques des destructions terriennes.
J’efface les traces les restes tous ces vestiges humains.
La main de l’Homme j’efface.
Les couchers des soleils les neiges je garde.
Les Mésanges bleues souffrantes des froids. Et je garde les Bruants, et les Himalayas.
Des Tétras-lyre les chants je garde les roucoulades les cris.
Et les Renards polaires ou Renard Isatis.
Les extinctions de masse et les Amazonies j’ai vu.
Et je raye l’Homme les Lacaniens vous l’entendez LalalaLangue dissoute.
Oui je raye le Terrien.
Il s’est rayé tout seul, et vous l’savez très bien n’est-ce pas ? N’est-ce pas ?
La Terre est déclassée.
Je répète : La Terre Est DéClaSSée.
J’éteins.
Sanctuaire des Tigres j’éteins.
Et sanctuaire des Grands Singes.
Sanctuaire des Lions.
Et mausolée des Rats.
J’éteins sanctuaire des Éléphants.
Tombeaux des Bélugas. Tombeaux des Cachalots.
Des Antilopes sanctuaire des Goélands.
Des Doryphores et des Lucioles sanctuaire.
Mausolée des Grillons, les Psophus stridulus, les Locusta gryllus.
Sanctuaire vous m’entendez je désactive j’éteins.
Quelle merde.


UnDeuxokaylesLacaniens ?
« C’est un véritable ascenseur émotionnel », disent les Terriens.
« Et c’est le jour de notre renaissance », disent-ils.
Mais vous les entendez les Lacaniens LalalaLangueDérailleLalalaLangueseGrippe.
« Les choses sont sous contrôle », disent-ils.
Ils disent que « c’est comme si la Terre était dev’nue un seul pays ».
Les Terriens chantent et dansent et leurs morts s’amoncellent.
Mais vous les entendez LalalaLangue délire !
Ils disent qu’ils vont « crier, hurler, pleurer de joie, s’étreindre et s’embrasser ».
Iels « sont tellement heureux.ses », iels disent.
« De voyager enfin, dans leurs bulles sanitaires. »


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l’Araignée

à l’apogée des lunes l’attraction est si forte Qu’y règne le Chaos filer tisser et coudre et découdre et recoudre suturer la lumière mais que peut la lumière aux lueurs des soleils comme des constellations l’attraction est si forte Qu’y règne le Chaos matin après matin les aurores et les aubes mais que peut le matin au dernier jour des mondes au sortir des terriers aux agrès funambules j’ai tant guetté les nuits équinoxes et solstices crépuscules et éclipses les pénombres et les ombres comme au premier des jours à ces orbites des astres l’attraction est si forte Qu’y règne le Chaos filer tisser et coudre et découdre et recoudre suturer la musique mais que peut la musique Et relier le Chaos jusques aux nouvelles lunes aux horizons célestes l’attraction est si forte Qu’y règne le Chaos filer tisser et coudre et découdre et recoudre et suturer le temps mais que pouvait le temps l’attraction est si forte et je gravite ici au croissant du Scorpion aux armatures de l’Hydre au zénith de Neptune dans la boîte de Pandore ou sous la Calypso Qu’y règne le Chaos.

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