Textes d’aujourd’hui pour le théâtre. Ces publications sont régulièrement soutenues par la Région Languedoc-Roussillon, et depuis 2003 par la SACD.
ISBN : 978-2-84705-081-3
EAN : 9782847050813
13x21cm, 64 p., 12 €
distribution multiple
2011
(assurez-vous que vous faites totalement autre chose)
« La pièce est une épopée souterraine au cœur d’une machine tentaculaire, cathédrale futuriste, où bâtisseurs et chercheurs repoussent toujours plus loin les limites de l’espace et du temps. À cent lieues sous terre, l’humanité laborieuse – ici appelée « ceux de la machine », « les outillés », « ceux de l’ascenseur », « Julie », « le Vieux »... – participe à la grande entreprise de la quête des origines.
Plus ça creuse, plus on remonte le temps. Claire Rengade réussit ce tour de force d’imbriquer les temporalités – le « ici et maintenant » et le temps « dit zéro » d’avant la création. De ce joyeux télescopage sort une cosmogonie inédite avec sa galerie de créatures où l’on peut y croiser Dieu en « gueule noire », Ulysse, l’homme avant sa naissance, Adam et Ève...
Cette grotte de début ou de fin du monde s’agrège les diverses strates du temps – social, universel ou intime. Si la machine devient une matrice métaphysique, elle n’en reste pas moins un système de production avec ses rouages – plans d’action, stratégie, planning et hiérarchie.
Composée en vingt quatre mouvements, la pièce se déroule allegro tout en muscle et en nerf. La parole – toujours adressée – est une musique où la langue chahutée, éclatée, contorsionnée surgit et résonne. Il y a une fragilité du vivant là-dedans, quelque chose qui échappe, en équilibre instable, au bord. »
Fanny Prud’homme, Théâtre de la Tête noire
« J’écris Les terriens en résidence au Cern (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), c’est une sorte d’îlot improbable, rassemblant 2600 permanents et jusqu’à dix mille personnes de tous les pays pour deux langues officielles, alors que ce minuscule territoire n’appartient à aucun. Ce « non-endroit » apatride grappille tous les âges (familles, étudiants, actifs, retraités) passionnément captifs de l’expérimentation scientifique. On se croirait dans une université idéale où la transmission est un moteur (transparences des découvertes, temps d’échanges anarchiques validés comme nécessaires à la recherche, tout interlocuteur étant valable, absence de discrimination, mélange artisanal des langues inventant une sorte de « cernglish »).
Je n’écris pas mode documentaire, j’écris par infusion dans un autre univers, je me charge en en images et en ressentis, et je traduis, comme en voyage : rien n’est réel et tout est vrai.
Je prends ce lieu comme point de départ. Je veux écrire sur l’entreprise internationale et ce microcosme de travaillants dans ce décor particulier m’a servi de précipité. Et d’alibi.
le texte plante tout le monde dans la machine, une machine non reconnaissable qui techniquement est entourée de la plus grande avancée technologique, qui comme toute machine récalcitre.
Je prends pour décor la machine elle-même.
Nous sommes dans un fonctionnement mondialisé du monde qui regroupe plusieurs âges techniques, ainsi que nous pouvons bien entendu le vivre, au niveau du rapport au travail.
La métaphore du lieu colle entre eux nos siècles au travail, nous faisons du 19ème en souterrain et à mains nues, de l’administratif pour peu pour tout, et du nano dématérialisé en haut d’un escalier ; les étages qui sont les âges miment en passant la hiérarchie ; monter descendre c’est un trajet pour le temps ou pour l’emploi, et les portes, qui débouchent ou pas, grincent dans les refrains. Oui c’est musical, comme j’écris aussi pour le compositeur Radoslaw Kukowski qui est en train de mettre en musique mes mots, je travaille au tempo, à la mesure, à l’échelle de la portée, c’est très précis, très laborieux. Le rythme fait la musique, mais non la prosodie ; c’est la couleur de la voix qui brise la langue ; je cherche les silences qui écroulent et ceux qui continuent la phrase. J’écris avec mon souffle et je me désagrège dans un autre, je prends sa voix à lui, et par procuration je joue, je construis à l’oreille.
On ne peut m’enlever mes obsessions : rapport au corps, rapport à l’autre, rapport au travail et le vivant là-dedans.
Je veux cogner les classes de parole et observer leurs frottements lors de la communication.Je cherche le coeur de ça, à l’échelle d’un personnage qui traverse toutes les sphères à la recherche du vivant. J’ai écrit « personnage », il faudra que je trouve un autre mot.
[C.R le 20 octobre 2010]
« La pièce commence dans une salle de contrôle avec ses appareils de surveillance électronique et une porte blindée munie d’un voyant rouge que seul pourront franchir ceux qui y sont autorisés. Puis en courtes séquences comme autant de témoignages sous forme de récits et de dialogues anonymes entrecoupés par une rengaine musicale, la pièce va s’enfoncer au sein du labyrinthe, multipliant les rencontres avec ceux de la maintenance ou ceux de l’administration en une plongée de plus en plus profonde, comme au coeur d’une mine, à l’intérieur de la matière, de cette usine complexe que constitue un organisme.
Sédimentation d’une histoire où le minéral et le temps se combinent en actions chimiques et physiques pour inventer la vie et composer un être humain.
Les terriensne constitue pas une pièce facile à décrypter, sa lecture exige un certain effort d’interprétation voire d’imagination).
Néanmoins, il en ressort une impression très singulière de force poétique, une vision très moderne d’un monde qui scrute ses limites jusqu’au plus intime de l’atome et interroge ce qui distingue l’humain du non humain (toutes ces bestioles accumulées qui nous constituent) ou le vivant du non vivant, l’artificiel du naturel...
Elle s’enrichit parallèlement d’un véritable travail sur le langage. C’est ainsi que l’on glisse d’une langue très technologique dans les premières séquences (comme si homme et machine ne faisaient qu’un et parlaient d’une même voix) vers une langue beaucoup plus organique, plus onirique lors des dernières séquences. »
[Comité de lecture du Panta Théâtre, mars 2012]
« Ce spectacle inventif et jubilatoire (…) offre des pépites poétiques où la parole de liberté rappelle les échappées de Valère Novarina. »
[Marie-Pierre Genecand, Le Temps, 23 février 2012]
« Composée de vingt-quatre mouvements, la pièce, telle une partition de physique nucléaire explosive, fait la part belle à une parole sans cesse mise à l’épreuve du sens, de la relativité et de sa résistance interne.
(…) Comme chez Novarina, la somme signifiante des éléments en jeu l’emportera sur le nombre d’objets non identifiés et immédiatement insignifiants, tant l’énergie, le mouvement général, la musicalité de la pièce et l’engagement des corps sont remarquables. »
[Jérôme Zanetta, Scènes Magazine, février 2012
« C’est en effet autour de la langue, dans sa musicalité et son éclatement, que s’effectue le travail de Claire Rengade.
L’humour n’est pas absent de ce furieux maelström. »
[Lionel Chiuch, GuideTVLoisirs, 4 février 2012]
« Un admirable groupe d’acteurs, très cohérents, soudés par une musique nerveuse, incroyablement rythmée et sensuelle. Cette musique est l’antidote nécessaire à l’écoute d’un texte elliptique et syncopé, riche et volontairement incomplet, lui-même victime du monstre invisible autour duquel semblent s’agiter vainement les acteurs : l’aliénation créée par toutes sortes de machines dont l’homme essaie de colmater les excès.
Cette dialectique entre d’une part l’impuissance, la frayeur et l’incomplétude des mots, et d’autre part l’explosion jubilatoire de la musique et de la gestuelle généreuse des acteurs musiciens est d’une grande expressivité.
Il y a une autre qualité rare dans cette œuvre théâtrale, c’est son absence totale de démagogie. Le texte dense et nu comme une lame de couteau ne propose aucun clin d’œil au spectateur. (…) »
[Bertrand Monrozier, 28.02.12]
« Claire Rengade invente un spectacle formidable, entre reportage scientifique et délire poétique, avec de fabuleux comédiens, musiciens et acrobates… »
[Marie-Pierre Genecan, Radio Suisse romande, Dare-Dare, 10 février 2012]
« On se laisse d’abord entraîner par le miracle d’un flot lisse et musical de paroles absconses. On plonge ensuite sous terre, au centre d’une machine scientifique où tout pose question : la
matière, la météo, les portes sorties de leur cadre, puis l’homme, la femme, leur condition et
l’harmonie des corps. Les membres de l’équipe des Terriens se heurtent les uns aux autres,
cherchant leur place, explorant les limites de leur propre univers.
Artistes de cirque, musiciens et comédiens brillent d’un feu incandescent dans la pénombre de la scène. Ils créent tous ensemble la matière sonore. D’une seule note tenue le long d’un archet jaillit plus loin une chanson qui se construit, s’enrichit, à mesure que chacun y apporte sa contribution. Les considérations les plus triviales rencontrent les énigmes fondamentales de l’être. Tout est interrogé sur le même plan, avec la même distance, avec la même certitude que tout peut être décrit, expliqué, chanté au moins – et qu’on peut ainsi s’approprier ce qui nous échappe.
(…) le texte entier est porté par la musique de Radoslaw Klukowski et son groupe Slash/Gordon, et par un solide duo de comédiens (Colline Caen et Stéphane Bernard) qui, faisant corps avec le texte, parviennent à nous émouvoir jusqu’à la fin. »
[Marie Beer, Le Courrier, Suisse, 15 février 2012]
« L’écriture est magnifique, extraordinairement variée, utilisant de multiples procédés, toujours convaincants. C’est souvent drôle. Ça trace, ça profère, ça sonne. C’est très musical (il y a d’ailleurs des chansons, très bienvenues). Des tirades, des dialogues, des chœurs, des duos rigolos, des parodies désopilantes (Julie).
Les images poétiques, toujours concrètes et en situation, jaillissent continà »ment.
On sent une grande rigueur et une belle exigence derrière tout cela. Rien n’est laissé au hasard. Tout se répond. C’est très fort…
Il n’y a évidemment pas vraiment de personnages, et très peu de didascalies. Tout est laissé à l’appréciation de celui qui s’en emparera… Cette ouverture est souvent synonyme d’imprécision et de paresse de la part de l’auteur, mais ici non : cette liberté, cette façon de « laisser ouvert » font partie intégrante de l’écriture. C’est aussi cela qui rend ce texte énigmatique à la première lecture. »
[A mots découverts, compte rendu de lecture, 2011]
« Dans un monde étrange, espèce de big bang où les temps se mêlent, entrent en collision, propices aux rencontres avec Dieu, Adam et Eve, Ulysse, les limites de l’espace sont toujours repoussées, la Terre toujours plus forée. Est-ce le début, la fin du monde ?
Le vide désagrégeant et les profondeurs inquiétantes pleines de fossiles semblent ici se rejoindre. L’humanité, laborieuse, surveillée, demeure fragile, assujettie à une machine et à un système hiérarchisé, gageure du profit, voire de folie.
Plus qu’une continuité de scènes, Claire Rengade propose une partition en vingt-quatre mouvements jalonnés de dialogues et de monologues sans autre ponctuation que des points d’interrogation, pouvant être lus dans un ordre presque indifférent.
[L’avant-scène, n° 1331 du 15 octobre 2012]
Après plus d’une année d’étapes de travail et de lectures publiques (voir ici), le Théâtre Craie crée Les terriens à Château rouge, à Annemasse, le 14 novembre 2011.
Ecriture, jeu, mise en scène : Claire Rengade
Composition, jeu, direction musicale : Radoslaw Klukowski
Musiciens : Laura Tejeda (chant, cajon), Jérôme Ogier (chant, violon, contrebasse), Franck Giraud (chant, clarinettes)
Comédiens : Colline Caen, Stéphane Bernard
Eclairagiste et régie générale : Rodolphe Martin
Costumes : Angèle Mignot
Tournée de création
— NTH8 à Lyon du 1er au 5 décembre 2011
— au Théâtre de Vienne du 17 au 19 janvier 2012
— au Poche Théâtre de Genève du 9 au 19 février 2012
— au Théâtre Sévelin 36 à Lausanne les 24 et 25 février 2012
Dans le cadre de Magdalena Project, réseau international de femmes de théâtre, à Montpellier du 21 au 26 septembre 2015, lecture improvisée par l’auteure autour des Terriens , événement organisé par La Bulle Bleue en partenariat avec le Théâtre de la Remise et Réseau en scène Languedoc-Roussillon., Montpellier, le 21 septembre 2015.
Lecture lors des Lundis en coulisse, proposée par Sandrine Roche, La Baignoire, lieu des écritures contemporaines, Montpellier, le 18 mars 2019.