Éditions Espaces 34

Théâtre jeunesse

Cette collection, créée en mai 2009, accueille des écrivains déjà publiés dans d’autres collections et de nouveaux écrivains. Elle s’adresse aux enfants du primaire et du début du collège, les textes pour adolescents étant publiés dans les collections Théâtre contemporain et Théâtre en traduction. Elle est aussi tout public.

suivi de L’ancêtre Mamamé

Mamamé
pages 20-23

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Mamamé a un chien. A vrai dire, avant ce n’était pas le sien. Non. C’était le chien de mes parents, mais mes parents, quand je suis né, ils ont préféré le lui donner parce que premièrement son chien d’avant était mort et que deuxièmement mes parents m’avaient eu moi et comme eux ils n’avaient plus vraiment le temps de s’occuper de lui (parce qu’ils m’avaient eu moi) et qu’apparemment je leur donnais beaucoup de travail, ils se sont dit que ce serait mieux de le lui donner. Résultat, mon chien est devenu le sien. C’est comme ça parfois, dans la vie, on change de vie. On change de famille. On pourrait croire qu’il allait être triste d’avoir été ainsi abandonné. Mais pas du tout. Il n’a pas été triste du tout. Au contraire. Je crois même qu’il est vachement plus heureux maintenant. Parce que Mamamé, elle est toujours là pour lui. À lui faire des caresses. À lui donner de l’affection. Même que des fois, quand je suis chez Mamamé, je l’envie la nouvelle vie de mon chien d’avant. C’est quand même bizarre, non ?

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  C’est pas juste !

  De quoi tu te plains encore ?

  Le chien…

  Et bien ?

  Jamais tu l’obliges, lui, alors que pour moi, c’est tous les jours pareil…

  Pour le chien c’est différent.

  J’avais bien compris !

  Prendre un bain c’est important !

  Je préfère jouer.

  Tu veux sentir mauvais ?!

  M’en fiche !

  Et les autres ?

  Quoi les autres !

  Ça peut les gêner.

  Pas mon problème !

  Ils n’oseront plus te parler.

  Ça me fera des vacances !

  Ils ne voudront plus t’approcher.

  Ça me fera de l’air !

  Ils se moqueront de toi !

  Ça m’étonnerait bien !

  Pourquoi ça ?

  Le chien sent mauvais et pourtant tu lui fais des caresses à longueur de journée !

  Très bien !

  Où tu vas ?

  Vider l’eau du bain…

  Tu ne vas pas me forcer ?!

  J’ai d’autres chats à fouetter !

  Sérieusement ?

  Absolument ?

  Ni même demain ?

  Et encore moins après demain !

  Vraiment ! Tu n’insistes pas ?

  Puisque c’est ce que tu veux ; être un chien…

  Oui…

  Alors tu as gagné !

Avec Mamamé, il n’y a jamais de cri, jamais de devoirs, jamais d’obligation et c’est vraiment ça qui est bien !

  Qu’est-ce que tu fais, là, avec mon oreiller ?

  Ce soir…

  Oui…

  Tu dors là.

  Où… ?

  Là.

  Par terre ?

  Sur le tapis du salon…

  Mais mon lit ?

  Avec le chien.

  Tu plaisantes ?

  Non.

  Tu ne plaisantes pas ?!

  Depuis quand les chiens dorment dans des lits ?

  Mais moi…

  Ce n’est pas ce que tu m’as demandé ?

  J’ai juste dit que je ne voulais pas me laver…

  Et pour le goûter, oublie les tartines de pain beurré…

  T’es pas sérieuse là !

  T’auras des croquettes.

  C’est dégoûtant !

  Le sucre, ça rend aveugle !

  C’est bon.

  Où tu vas ?

  Prendre mon bain !

  Tu ne sais plus ce que tu veux !


L’Ancêtre, début pages33-34

Quand l’Ancêtre est arrivé dans notre maison, il n’avait pas beaucoup d’affaires. Juste une toute petite valise de rien du tout. Ce jour-là, je me suis demandé comment toute sa vie passée pouvait tenir là-dedans ? Evidemment je n’ai pas osé lui poser cette question. Non. J’ai simplement dit « bonjour » comme maman me l’avait suggéré. Mais à cela, l’Ancêtre ne m’a pas répondu. Il est resté silencieux comme une pierre.

(…)

Pour me rassurer, maman m’a expliqué que c’était le dépaysement. Mais qu’est-ce que c’est ça le dépaysement ? Je me suis alors tourné vers papa qui m’a expliqué que c’était « le mal du pays ».

(…)

L’Ancêtre vient de loin.
Il a quitté son pays.
Pour venir ici, il a pris un avion.
C’était la Turkish Airlines.
Un aller sans retour.
Un départ pour toujours.
Car avant,
Il a vidé sa maison.
Il a vendu tous ses biens.
C’était le début de la fin.
Et maintenant…

(…)

L’Ancêtre est comme un étranger.
Un inconnu,
Dans sa propre famille.
C’est étrange…
Comment peut-on être étranger dans sa propre famille ?

(…)

Quand j’ai demandé pourquoi l’Ancêtre devait venir dans notre maison, papa m’a simplement répondu que c’était parce que là-bas, tout seul, il ne pouvait plus rester. J’ai trouvé ça normal. Par contre, j’ai trouvé injuste de devoir lui laisser ma chambre d’enfant. Mais je n’ai pas eu d’autres choix. Alors maintenant, je dors avec ma grande sœur, ce qui a tendance à poser des problèmes car d’une part, ma sœur n’est pas prêteuse, et d’autre part, je n’ai plus accès à ma chambre et cela afin de préserver l’intimité de l’Ancêtre.

Distinction

Sélectionné pour le Prix Galoupiot 2018 de Théâtre contemporain jeunesse (CM1, CM2, 6e).


Sélectionné pour le Prix des lecteurs de théâtre du Cher 2017-2018, organisé par la Direction des services départementaux de l’éducation nationale du Cher en partenariat avec la Ligue de l’enseignement du Cher, avec le soutien du Conseil départemental.


Ces deux textes en diptyque sont lauréats de l’Aide à la création du Centre national du théâtre, novembre 2016.

Extraits de presse

« C’est une belle idée de faire figurer à la suite l’un de l’autre ce deux textes évoquant chacun à sa manière le regard d’un jeune enfant sur son aïeul.

Dans le premier, le point de vue qui s’exerce sur Mamamé, la grand-mère du narrateur, est empreint d’admiration e d’amour. Fabien Arca fait alterner dialogues et récit à la première personne, ce qui lui permet de montrer la richesse et la réciprocité de l’échange intergénérationnel.

Par contraste, dans L’Ancêtre, l’absence de dialogue nous plonge dans le seul point de vue enfantin, qui s’exerce cette fois sur un aïeul plus inaccessible. Néanmoins, l’univers secret de ce dernier se dévoile petit à petit, en lien avec un passé historique particulièrement douloureux.

On aime l’écriture de fabien Arca parce qu’elle est nuancée et sensible, attentives aux détails simples et quotidiens, ancrée dans ma perception enfantin. »

[Sibylle Lesourd, Revue des livres pour enfants, n°295, juin 2017]
recommandé 3 sourires


« Mamamé met en scène la relation extrêmement tendre entre le petit-fils et sa grand-mère. Chaque partie dialoguée est précédé d’une courte narration de l’enfant évoquant ses vacances : la relation est abordée du point de vue de l’enfant, avec son langage et sa compréhension du monde. (…)

Dans L’Ancêtre, la relation est différente. L’enfant se voit imposé la présence d’un grand-père arrivé de Turquie, qu’il ne connait pas, et à qui il doit céder sa chambre. Pas de dialogue ici : l’Ancêtre ne parle pas. (…) Mais quand son père lui dit, simplement, que l’ancêtre parle plusieurs langues, qu’enfant déjà il a connu la guerre et la persécution, et pour finir l’exil, le regard de l’enfant sur le vieil homme mystérieux change.

Deux très jolis textes, légers ou graves, mais très émouvants. »

[Revue InterCDI, n°276, novembre 2018]


« Très bon livre.

Le thème de la relation entre l’enfant et la personne âgée est abordé selon deux angles de vue différents mais complémentaires.

« Mamamé » évoque la complicité, la connivence qui se tisse entre la grand-mère et son petit-fils en mettant en lumière ce que reçoit l’enfant de la part de sa Mamamé qui se révèle être une fine pédagogue capable par exemple de faire prendre sa douche en douceur à un « Monpetit » récalcitrant.
Il s’agit avant tout d’une relation tendre, souriante soutenue par un texte qui ne manque pas de poésie.

S’agissant de « Mon ancêtre », la tonalité est plus dramatique. L’enfant découvre progressivement le passé douloureux de l’Ancêtre et notamment la question de l’exil, de l’identité dans une relation sans parole. [Il va apprendre qu’il vient d’Arménie, que c’est un réfugié. L’Ancêtre ne parle pas. ]
Chaque narration de l’enfant est séparée par une parenthèse muette, didascalie ouverte à toutes les possibilités de mise en scène (mime, vidéo, marionnette...).

Cette construction ouverte est soutenue là encore par un texte sensible et fort. »

[Jean-Luc Gautier, Livr’jeune, avril 2019]


« Un enfant voit s’installer chez lui son grand-père. Le vieil homme, qu’il appelle « l’Ancêtre », a quitté définitivement son pays, la Turquie, pour être plus proche de sa famille en France.

Mutique et bourru, cet homme déraciné porte en lui tout le mystère d’une histoire familiale… »

[Télérama, novembre 2020], voir infra pour la mise en voix

Vie du texte

L’Ancêtre

Création sous forme d’un spectacle pour une comédienne et un contrebassiste, adapté pour jouer dans les classes des écoles, dans une mise en scène de Fabienne Muet, compagnie Furiosa, avec Alexandra Courquet et Christophe Seval.

2019
— Le 21 janvier 2019 à l’école d’Isle
— Le 11 mars 2019 à l’école de Château-neuf-la-forêt
— Le 26 mars 2019 à l’école de la Croisille-sur-Briance
— Le 8 avril 2019 à l’école de St-Symphorien-sur-Couze et à l’école du Dorat
— Le 13 mai 2019 à l’école de La Meyze et à l’école V.Hugo de Limoges
— Le 20 mai 2019 dans les écoles d’Aixe-sur-Vienne et de St-Priest-sous-Aixe
— Le 27 mai 2019 à l’école de Couzeix et à l’école R.Dautry de Limoges
— Le 3 juin 2019 à l’école de Gorre


L’Ancêtre

Création dans une mise en scène de Fabien Arca, ART-K Cie, avec Guillaume Lecamus, création sonore de Minouche Briot.

Création et tournée 2020 ANNULE
— Théâtre du Champs Exquis, Blainville sur Orme, du 8 au 10 novembre
— Nouveau Gare au théâtre, Vitry sur seine, du 12 au 14 novembre

Sur youtube ici, vous pouvez entendre (15 minutes) une fiction sonore de L’Ancêtre par Fabien Arca dont la création a été annulée pour la deuxième fois en raison de la Covid-19.

Au sujet de la mise en voix

« Le spectacle (entre théâtre, manipulation d’objets et création sonore) n’ayant pu se jouer, Fabien Arca a réalisé cette fiction audio pour aller à la rencontre de son public.

Grâce à sa mise en voix et à la création musicale, les images du quotidien vu et raconté par l’enfant se réent et apparaissent de façon sensible à l’écoute du récit. »

[Télérama, novembre 2020]


L’Ancêtre

Création par Art-K Compagnie, dans une mise en scène de Fabien Arca, collaboration artistique Alexandra Jussiau-Tahar, Théâtre du Champ exquis, Blainville sur Orne (14), du 17 au 25 octobre 2021.

Tournée 2022
— Nouveau Gare au théâtre, Vitry sur Seine (94), du 9 au 12 février


Mamamé

Création, dans une mise en scène de l’auteur, compagnie ART-K, avec Guillaume Lecamus, comédien, et deux fils de fériste : Perrine Bell et Noëmie Ede-Decugis, à Gare au théâtre, Vitry sur Seine (94), du 16 au 19 avril 2019.

Tournée 2019
— Maison du Geste et de l’Image, Paris, 13 et 14 mai
— Halle aux grains, à Bagnères-de-Bigorre, 16 et 17 mai
— La Grainerie, à Toulouse, 21 et 22 novembre


Mamamé

Création, dans une mise en scène de Sylvie Audureau, avec Sylvie Audureau et les voix de Marie-Thérèse Boulan et Camille Brun, Théâtre Expression 7, Limoges, du 10 au 12 avril 2024.

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