Éditions Espaces 34

Hors cadre

L’espace littéraire se transforme. Les écritures d’aujourd’hui demandent à être accueillies au-delà des zones définies par des termes qui enferment. L’important n’est pas l’identification catégorielle mais la pulsion qui préside à la langue et à la pensée et qui donne à la littérature ses multiples formes. Cette collection est ce lieu pour des voix, des fictions qui appellent la parole et le corps. Un trouble dans les genres, des forces en mouvement, du désir, de l’audace, de l’invention.

Lichen

ISBN : 978-2-84705-260-2
EAN : 9782847052602
13x21cm, 48 p., 12 €
Publié avec le soutien du Centre national du livre

avril 2023

Tandis que des habitations se vident, des travaux de démolition/reconstruction sont en cours afin de réhabiliter un ilot urbain.

Mais un homme résiste. Il ne veut pas abandonner sa maison, ses pigeons, ce lieu où il a grandi, s’obstinant hors de raisons.

Avec lui, vit sa fille à qui il enseigne de ne pas se résigner. Elle-même, confrontée à la brutalité des autres enfants de son école, fait le récit d’une douceur rude entre son père et elle, une solidarité.

Une pièce sur le déracinement forcé pour l’utopie d’un monde meilleur, l’arrachement sans retour à un lieu qui forge un être, l’agonie d’un homme.

Distinctions

Le texte reçoit l’aide à la création d’Artcena en 2020.


Pièce repérée par le comité de lecture du Théâtre de Poche, à Genève, en novembre 2022.


Pièce sélectionnée par le comité de lecture du Théâtre des Quartiers d’Ivry pour l’année 2022-2023.


Texte sélectionné par le bureau des lecteurs de la Comédie-Française en 2023.


Pièce finaliste du Prix Jacques Scherer 2023.


Pièce lauréate du Grand Prix de Littérature dramatique 2024, décerne le 4 novembre.

Extraits de presse

« C’est à partir d’un territoire singulier, celui du bassin minier du Nord de la France, avec ses terrils en forme de cônes, que Magali Mougel a écrit sa pièce.

Elle y parle des déclassés de la mine, ces gens invisibles, très souvent confrontés au chômage.

Le Bassin minier est un territoire sinistré depuis la fin de l’extraction du charbon. Et sa réhabilitation, nécessaire, chasse sans état d’âme les habitants de leurs petites maisons avec jardin où ils ont toujours vécu mais dont ils ne sont pas propriétaires, coupant ainsi à jamais le fil de leur histoire familiale et les enfonçant souvent dans la précarité et le désespoir.

Dans Lichen, c’est une tragédie du quotidien que l’on découvre à travers le récit, la voix d’une enfant : la fille d’un homme sans travail, bientôt expulsé de sa maison, sans son colombier et ses pigeons qui étaient son unique échappatoire, pour qui désormais l’avenir n’a plus de sens.

L’écriture de Magali Mougel est rapide. La tragédie annoncée se précipite inéluctablement. »

[Chantal Boiron, Ubu, aoà»t 2021]


« Une écriture dense, rythmée, fouillée.

On entre peu à peu dans le récit. Il a une richesse d’expressions, de vocabulaire, une liberté formelle très belle. (…)

Tout est absorbé à travers les perceptions sensorielles de la petite fille : ce qu’elle voit, ce qu’elle entend, ce qu’elle perçoit, odeurs, mouvements du sol… Ce sont ces éléments qui font sens et racontent la perte de repères, l’isolement. (…)

Quoique narration c’est purement un matériau théâtral. L’ici et maintenant y est essentiel. Le récit est centré sur la perception du réel par la petite fille ce qui en accentue la dimension dramatique. On sent physiquement le poids de l’inéluctable. »

[Comité de lecture du Théâtre de Quartiers d’Ivry, décembre 2022]


« Julien Kosellek met en scène « Lichen », une interprétation tout en finesse du texte de Magali Mougel sur un monde qui s’écroule vu à hauteur d’enfant.

Comme le Bartleby de Melville, le père préfère ne pas. Ne pas plier, ne pas déménager, ne pas réparer les fuites ; rester dans la maison promise à la démolition jusqu’à ce que les pelleteuses aient démantelé son quartier et fait fuir les oiseaux de son pigeonnier, qu’il sert à la petite en ragoà»t, faute de grives. (…)

Mais Magali Mougel évite soigneusement les dérives du misérabilisme et du sordide : sa langue, puissante et poétique, a une portée universelle.

Tous les enfants du monde aujourd’hui privés de toit, de protection et de chaleur, semblent revivre à travers les incompréhensions de cette petite fille victime de la faiblesse et de la lâcheté des adultes. (…)

La mise en scène de Julien Kosellek est ciselée. Elle sert admirablement le texte, empreint à la fois de mélancolie et de colère, de tendresse et de violence, d’éclairs lyriques et de désespoir politique. Le monde nouveau se construit sur les ruines et les cadavres de l’ancien, pétrifié dans le désespoir et le ressentiment.

Dans le bassin minier comme ailleurs, le désastre humain s’étend comme le lichen, ces « drôles de taches rouges » qui sont « la seule chose qui pousse après l’éruption d’un volcan », dit Magali Mougel. »

[Catherine Robert, La Terrasse, 18 janvier 2024]


« Le lichen, c’est avant tout cette tache qui envahit un rebord de fenêtre. Le lichen, c’est aussi l’humidité qui envahit cette maison en ruines, vouée à être rasée par les promoteurs immobiliers. C’est enfin cette folie spéculative qui aura raison des dernier.es habitant.es de cet îlot du Bassin minier, une petite fille et son père.

Dans la pièce de Magali Mougel, c’est cette petite fille qui raconte. Le froid, les gouttes d’eau qui tombent dans son lit, mais aussi la violence de ses camarades de classe et la dépression dans laquelle sombre son père. Elle n’a d’autre alliée qu’elle-même : aussi nous raconte-t-elle son histoire à la deuxième personne.

La langue de Magali Mougel est simple et précise. Elle maintient la tension de ce récit aux accents de tragédie racinienne avec des phrases courtes, qui ne cherchent pas à faire mouche, mais simplement à décrire. Nul besoin de nous plonger dans les abîmes psychologiques de la jeune narratrice : les faits parlent d’eux-mêmes. (…)

Une très belle Å“uvre, à découvrir. »

[Julia Wahl, Cult.news, 20 janvier 2024]


« Le « Lichen » , est une plante, un champignon plutôt, qui pousse sur des terrains désolés, des rochers nus, ou encore sur des surfaces volcaniques, quand toute autre végétation ne trouve plus sa place.

Magali Mougel ne parle pas de botanique, cependant, mais d’humains. D’hommes, de femmes, d’enfants déracinés. À qui on n’a pas réellement demandé leur avis.

C’est à travers le regard d’une fillette que l’on découvre combien des projets dits urbanistiques peuvent couper de leurs racines des familles modestes.

Ici, la maman est plus ou moins partie. Reste le papa. Et tout autour un champ de ruines. Les voisins ont accepté d’être relogés ailleurs. Lui non. La lutte est forcément inégale. La « réhabilitation » de la cité a un parfum de désespoir.

[Gérald Rossi, L’Humanité, 26 janvier 2024]


« La mère absente est partie, le père - cigarette à la lèvre et maintien respectable d’ouvrier - est dévasté par la maison brisée. Les rêves et la vie intérieure enfantine composent un récit polyphonique de visions récurrentes, donnant la parole aux autres - père, mère, maître d’école, stagiaire-institutrice, agent immobilier.

Oratorio sacré interprété par trois actrices-musiciennes, au plus près des liens entre texte et musique, sensibles au chuchotement comme à la déclamation de Magali Mougel, écriture sinueuse - courbes, boucles rondes, précautions, tresses végétales. (…)

Une écriture vivante et poétique s’approchant de l’infiniment petit, puis embrassant la perspective d’une contemplation, dans l’urgence et les dialogues. Les visions du passé s’effacent face à la catastrophe imminente d’un dé-logement. Rêves et fictions, cauchemars et inventions, l’enfant s’active en égrenant ses réactions face à des réalités d’adultes trop lourdes,

Le récit de son expérience précoce ne ménage pas les souffrances des jours qui passent - pourtant, les épreuves décrites concilient le détachement et l’humour dans l’analyse, comme si la locutrice retombait sur ses pieds au-delà de sa vulnérabilité, éludant la laideur d’un décor et d’un monde qui s’éteint.

Instabilité du sol, effondrement, humidité prégnante et sous-éclairage permanent, le sentiment d’enfermement et d’espace restreint se resserre et oppresse la petite habitante qui se réfugie dans la vue des affiches publicitaires maternelles - bleu turquoise des îles Indonésiennes, Bora-Bora …

Le père s’oppose à la dépossession : si la maison ne peut être transmise, la fille hérite d’une posture de résistance et de combat - tension entre un passé éphémère et un avenir incertain. (…)

Un spectacle envoà»tant de Julien Kosellek, hanté par cette prose poétique, précise et attentive aux errements d’une société en perpétuel et factice renouvellement, qui reste sourde au sentiment d’humanité et n’évalue pas la rudesse intransigeante et injuste d’une économie qui tue sans merci.

[Catherine Hotte, WebTheatre, 5 mars 2024]


« Chronique forte et onirique de l’effacement d’un paysage de vie. (…)

Belle, la langue décrit un paysage physique aussi bien que mental. Une nuit noire qui s’envase dans une pluie interminable aux allures de flot apocalyptique qui s’infiltre partout et dissout la maison. Des oiseaux qu’on assassine. Des posters qui véhiculent une mythologie du paradis et qu’on arrache.

Dans ce texte continu, sans didascalie, presque entièrement dépourvu de dialogues, les images fusent. Et avec elles, les métaphores. Les terrils, volcans éteints, font le dos rond. Les hommes, traités pire que des chiens, répondent aux morsures qu’ils subissent par des coups de dents. La petite tache au bord de la fenêtre grossit au fil du récit pour devenir sanglante à mesure qu’on s’enfonce dans le « chaos de mer sans écume » du drame.

Mais au fond de ce maelström dans lequel sombrent les êtres, il reste cependant la résistance du père qui ne trouve plus que l’ultime moyen du sacrifice de sa vie pour faire éclater aux yeux du monde l’iniquité dont il est la victime. Une dernière manière de dire « non ! » dans ce combat inégal dont il est le perdant.

C’est avec une sensibilité à fleur de peau que s’exprime cette vie de rien qu’on réduit en charpie et dont on jette les lambeaux au vent de la « modernité ».

La mise en scène, dans son ascèse, la porte à un beau degré d’incandescence. Pour clamer, encore une fois, que le mot « humanité » devrait encore avoir un sens.

[Sarah Franck, Arts-chipels, 8 mars 2024]


« Paru dans une autre collection, le volume pourrait passer pour un poème en prose. On a d’ailleurs du mal, au début, à comprendre qui parle et à qui, voire de quoi. C’est qu’on est là dans une écriture très contemporaine, au plus près de la conscience des protagonistes, de leurs pensées, de leur langage.

Petit à petit, à travers les conversations qui procèdent par bribes allusives, on entre dans cet univers douloureux, dans un ancien quartier minier quelque part dans le Nord ou le Pas-de-Calais, dans la maison délabrée occupée par un père et sa fille, ainsi que par des pigeons ; qui furent, on le sait la fierté et la passion des mineurs.

Petit à petit, on comprend qu’il s’agit de rénovation, de mise en valeur, donc d’expulsion et donc encore de résistance. (…)

Mais si dense que soit le noir, il peut toujours laisser entrer un rai, un espoir, comme disait Soulage : le noir lumière. Cependant, « Il t’aurait fallu savoir partir plus tôt. »

Intense comme une tragédie grecque, cette Å“uvre serre le cÅ“ur et harcèle l’intelligence du spectateur. Bienheureux inconfort ! »

[Nicole Fack, Théatre Actu, 14 mars 2024]


« Le logement comme thématique politique et sociale prend peu souvent sa place au théâtre, peut-être parce qu’il amène une difficulté formelle, encore plus pour des petites productions : comment donner forme, sur scène, à une architecture vécue, sans recourir à un déballage de moyens côté scénographie ? (…)

Il faut un enchaînement de touches posées selon la logique libre et anarchique de l’enfance pour que lentement, le dessin de cette famille se précise : la détresse du père, les raisons de la fuite de la mère, la destruction en cours d’un vieux quartier ouvrier auquel ce foyer n’échappera pas. »

[Samuel Gleyze-Esteban, L’Å“il de l’Olivier, 23 mars 2024]

Vie du texte

Lecture dans le cadre du Festival Prise Directe, dirigée par Aurélie Van Den Daele, avec Stéphanie Cliquennois, Floriane Potiez et Céline Dupuis, création musicale de Pierre-Marie Braye Weppe, à la Ferme d’en Haut à Villeneuve-d’Ascq, le 13 octobre 2019.


Lecture à la Mousson d’été 2021, dirigée par Isabelle Lafon, avec Éric Berger et Emeline Touron, musique de Vassia Zagar, en aoà»t 2021.


Lecture dans le cadre de Les In-Ouis, dirigée par Jean Bellorini, avec Garance Malard, Théâtre National de Villeurbanne, le 25 septembre 2021.


Création sur France Culture, dans le cadre de Fiction et compagnie, coordination Blandine Masson, dans une réalisation de Tidiane Thiang
avec Hélène Morelli, Laurent Ménoret, Emilie Incerti Formentini, Camille Rutherford, Valentin Capron, François Pérache, Eliot Maurel, Judikäel Goater, Kostia Tourjansky-Goffi, Victor Fradet, Baptiste Perais
le 8 avril 2023.

Podcast


Lecture au Studio Théâtre de la Comédie-Française, le 3 décembre 2023.


Création par la compagnie Estrarre, dans une mise en scène de Julien Kosellek, avec Natalie Beder, Ayana Fuentes-Uno et Viktoria Kozlova, Théâtre Antoine Vitez, Ivry-sur-Seine (94), du 12 au 27 janvier 2024.

Tournée 2024
— Théâtre de Belleville, Paris, du 4 au 31 mars

Un court extrait lu par l’autrice

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