L’espace littéraire se transforme. Les écritures d’aujourd’hui demandent à être accueillies au-delà des zones définies par des termes qui enferment. L’important n’est pas l’identification catégorielle mais la pulsion qui préside à la langue et à la pensée et qui donne à la littérature ses multiples formes. Cette collection est ce lieu pour des voix, des fictions qui appellent la parole et le corps. Un trouble dans les genres, des forces en mouvement, du désir, de l’audace, de l’invention.
ISBN : 978-284705-253-4
EAN : 9782847052534
13x21cm, 64 p., 13.50 €
Publié avec le soutien du Centre national du livre et de la Région Occitanie
2021
L’ombre de la Méditerranée plane sur ce poème symphonique, une Méditerranée actuelle mais aussi projetée dans 650 000 ans lorsque l’eau, l’eau de tous les dangers, aura disparu.
Un chœur d’exilées rapporte la traversée, celle de l’eau jusqu’à l’aspiration dans les profondeurs, celle de la langue, perdue, celle de l’identité, gommée. Quand la narratrice prend la parole, elle conte l’exil et l’accueil, les langues qui se traversent. Ce sont celles du chœur, réminiscences inaliénables, mais aussi la langue de l’administration, des préjugés, de la loi et de l’hostilité, qui se fait de plus en plus présente.
Mais la narratrice ne porte-t-elle pas aussi une langue de l’exil intérieur ? Quelle main peut se tendre entre celles-ceux d’un même territoire ? Comment, alors que l’on a été dépossédé de tout ce qui fait notre humanité, peut-on inventer une langue commune ?
Un magnifique chant-hommage qui explore poétiquement le politique.
Bourse de création du Centre national du livre, 2019
Aide à la Création d’Artcena, 2020
Coup de cœur du comité de lecture d’A Mots Découverts, 2021.
Texte lauréat des Journées de Lyon des Auteurs de Théâtre 2021.
« Des phrases courtes, aiguisées comme des lames de fond et explosives comme des sanglots. Une charge de colère et un souffle extatique pour crier une volonté de rencontre, un échange possible dans un monde algorithmique et frénétique du calcul quantique. »
« Une partition tellement riche et complexe, d’une rigueur poétique et littéraire étonnantes... justesse toujours du verbe et de l’image, capacité en un éclair, par le jeu de paradoxes et de raccourcis puissants, de nous placer au bord de la gueule grande ouverte du monde, de nous faire sentir son haleine puante, ses râles les plus terrifiants et ses chants les plus sublimes... »
[Comité de lecture de A mots découverts, 2021]
« La Méditerranée actuelle est une eau de tous les dangers « (…) où d’anciens bunkers penchés comme des tombes ivres tentent de maintenir vivace la croyance au rempart ». Il faut enregistrer les ombres sur le sable, un soleil éteint dans un ciel tremblant, boire une dernière gorgée : « l’eau s’échappe des poumons éclate en bulles de salive contre la surface ».
Enregistrez, cher lecteur, le poème de Malone et mémorisez les blancs entre chaque vers, car l’histoire apparait, dans des strophes libres, sur le rivage où parle avec le ressac l’Anonyme « (…) des images de prospérité tatouées sous la paupière ».
Le commencement est une poésie qui une fois comblée devient récit. (…)
Alors allez en librairie essentielle et demandez Les chants anonymes pour les lire sans conditionnel. Vous aurez comme moi un coup de cœur pour cet ouvrage profond publié aux éditions espaces 34 dans la collection Hors cadre »
[Dashiell Donello, Blog « Les dits du théâtre, 4 mai 2021]
« Dans Les chants anonymes (Espaces 34), l’écrivain Philippe Malone porte la parole des personnes mortes en Méditerranée : il grave leur cri unanime en un geste poétique qui mêle la beauté des images et l’engagement militant. (…)
L’anonyme de Philippe Malone n’a rien de singulier : d’où vient-elle ? Que fuit-elle ? Que ressent-elle ? Que vise-t-elle ? … Elle est la voix d’un universel, du général, donc du tragique commun, de sorte que sa parole jaillit à travers une multitude d’images et de métaphores propres au poème. Le drame ne naît ainsi pas de la situation théâtrale ; il est la réalité mise en mots. Les Chants anonymes sont bien « hors cadre », pour faire écho au titre de la nouvelle collection des éditions Espaces 34.
La première partie de ce texte est, disons-le d’emblée, particulièrement belle. Elle se présente sur la page comme un recueil de courts vers poétiques, la parole émergeant de l’espace blanc comme le migrant dont le corps est aux prises avec l’immensité méditerranéenne. Tandis que l’anonyme se noie, elle contemple « pour étoiles, les ventres argentés / des bateaux de croisière » ; s’enfonçant dans l’eau, elle contemple ce ciel d’eau qui se referme peu à peu sur elle.
J’ai été saisi par la force de ces images, émerveillé par cette manière qu’a Philippe Malone de renverser l’expérience. En miroir, il y a le regard clinique qui « enregistre », comme la radiographie d’un corps en dépérissement, tel un inspecteur en mission qui recueillerait la parole d’un présumé coupable, tel un agent d’une quelconque administration en charge de l’abondante et insignifiante paperasse.
Si le vocable « enregistrer » a plusieurs sens, il désigne néanmoins uniformément celui qui porte la mémoire, celui qui est le dépositaire d’une parole naufragée, évanouie sous les masses d’eau sombre : la mémoire est aux vainqueurs, aux tenants de l’ordre et du réel, pas aux martyrs, aux conteurs, aux morts.
La restauration de la parole est mission de poète ; elle fait corps avec le silence de ceux qu’on appelle les disparus parce que leur corps n’est même plus là pour témoigner de leur existence, de leur histoire.
Comment porter cette parole quand on est artiste ? Il existe tant de termes, tant de langues, tant de discours… Il y a ceux – nombreux – qui la récupèrent politiquement, prenant la littérature pour une harangue larmoyante ou la scène théâtrale pour la chaire de je ne sais quelle admonestation banalement grandiloquente. Il y en a d’autres, plus humbles, qui tentent d’inscrire leurs mots dans le mystère de ces êtres brisés par la guerre, la cupidité, l’indifférence et les forces de la nature.
Philippe Malone est de ceux-là (…)
Le long poème de Philippe Malone prête voix mais pas corps à celle qui se noie ; il reste à la frontière de l’expérience, toujours singulière, privilégiant l’essence, par définition générique.
En ce sens, la forme artistique fait subtilement écho à l’horreur de la réalité : nous n’avons plus accès aux destinées personnelles, définitivement englouties dans les eaux. Ne reste qu’un seul et même cri, un unique chant, celui de l’anonyme devenu unanime.
[Pierre Gelin-Monastier, Professions spectacle, 17 juin 2021]
« Au terme de l’élégie, une voix différente, d’exception, s’élève. Cette parole n’est pas la voix administrative des autorités, elle n’est pas la voix romaine des autochtones. Elle n’est pas la voix qui rejette, mais celle qui accueille, qui ouvre la porte, qui tend la main.
Ces voix-là sont rares, elles sont minoritaires, mais elles existent. Ce sont également des paroles d’exilés, mais de l’intérieur, qui se confondent avec la parole des expatriés.
Elles sont aussi dénuées de noms les unes que les autres. De part et d’autre du rivage, elles s’identifient et donnent naissance aux mêmes chants… Ces mélodies ne sont pas des expressions morales, indignées, culpabilisantes…
Elles sont situées sur un autre plan, à un niveau d’indignation supérieur, ce sont…
Les Chants anonymes. »
[Jean-Michel Potiron, Blog, 28 décembre 2021]
« Lutter emprunte plusieurs voies - le rapport de force, le rapport d’idées, le vote, la manifestation, la raison, le sensible... Le poème en est une. (…)
« Les Chants anonymes » de Philippe Malone, c’est une partition à deux pistes et un contrepoint. C’est à la fois un poème, un récit, un oratorio, un mémorial ... C’est d’abord de la littérature. Formes et fonds.
Le chÅ“ur impossible à former des noyés. L’anonyme qui a survécu à la traversée. Et l’administration du libéralisme. Édité, trois graphies distinctes les identifient. Sur le plateau, ce sera l’amplification ou non de la voix.
Le théâtre est d’une certaine manière l’art des fantômes. Le texte de Philippe Malone est donc fondé pour la scène aussi. Il redonne un corps, une voix, une histoire, une forme et une langue à toutes et tous les disparus en mer. Les oubliés de l’identité.
A l’envers de l’endroit où les migrants, noyés ou passés, n’existent plus qu’en chiffres et pourcentages. La statistique ne produit pas d’esprit ni de chair. L’auteur suit un autre chemin. Il nous offre un récit épique. Une mémoire revenante. Des spectres pour nous hanter. Des spectres contre le danger ectoplasmique. Du tourisme à la bureaucratie en passant par le mercantile.
Deux trajectoires. Une verticale de la multitude des noyés. La descente vers les fonds marins. L’autre horizontale d’une traversée qu’on ne peut tout à fait dire réussie.
Des mots sublimes et des silences respectueux là où le monde empeste. Des images pour restaurer les absents et nommer ceux d’en face. La banalité du mal et celui qui sait qui il sert.
Philippe Malone ne cesse d’interroger le politique et l’économique. Il convoque notre monde moderne et son verbe sur scène.
Pas de récit sans langue. Philippe Malone en forge une dans son Å“uvre. On la retrouve dans ces « Chants ». Claire comme l’océan. Aiguisée comme des proues. Explosive comme une déferlante. Tourbillonnante comme l’aspiration du fond. Obsédante comme un ressac.
Derrière ce récit l’histoire de l’humanité. Comme la chante Homère. (…)
La compagnie Scarface Ensemble s’est toujours intéressée - depuis ses débuts - au métissage des notes et des mots. A leur écho. Un théâtre qui n’oublie pas l’oreille. Avec les « Chants », Elisabeth Marie construit la scène sans effets. Sans lyrisme. Pas de fioritures ni de superflu. Les larmes n’ont pas besoin de larmoiements. (…)
Ce sont trois comédiennes qui portent les Chants. Selin Altiparmak, Françoise Lepoix et Elisabeth Marie. Trois femmes c’est-à dire toutes les femmes. Le texte en révèle en son cours l’acuité. Elles jouent leur partition sous le regard de Cyril Atala. Ses compositions électroacoustiques en live, cheminent à leur côté. (…)
Le texte de Philippe Malone, le travail scénique d’Elisabeth Marie éclairent l’idée de force propulsive, poétique et politique, de l’oeuvre. Dans un monde qui en a bien besoin. Contre le cynisme. L’indifférence. Les dominations... »
[Laurent Klajnbaum, L’Insoumission, 22 mars 2024]
« Poème politique autour de l’exil, tant physique qu’intérieur, qui prend pour décor la mer Méditerranée.
D’une écriture incisive et explosive laissant percer une colère indignée mais pudique, il parvient à écrire le silence des disparu·e·s et rendre leurs mots et leur voix aux anonymes que la traversée réduit trop souvent à des statistiques. »
[Festival MidiMinuit Poésie, Nantes, octobre 2024]
La pièce est traduite en allemand par Kristin Schulz en 2021.
Mise en lecture dirigée par Tom Da Sylva, Ninon Portier, Gislaine Drahy, dans le cadre des Journées de Lyon des Auteurs de Théâtre, avec les élèves de Arts en scène, Théâtre Nouvelle Génération-CDN, le 11 septembre 2021.
Mise en voix dans une conception de Christian Giriat et de Catherine Crochet, avec Charlie Breton, La Baignoire, Montpellier (34), les 21 et 22 mars 2024.
Création à venir dans une mise en scène d’Elisabeth Marie, Scarface Ensemble, avec Selin Altiparmak, Françoise Lepoix et Elisabeth Marie.
Résidence au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers (mars 2024), puis Festival d’Avignon 2024 Théâtre de l’Entrepôt, Festival de Strasbourg/Méditerranée à l’automne.
Création par France Culture, dans le cadre de Samedi fiction, dans une réalisation de Volodia Serre, avec Rehab Mehal, Grétel Delattre, Alexandrine Serre, Makita Samba, Mathias Zakhar, le 21 septembre 2024.