Cette collection, créée en mai 2009, accueille des écrivains déjà publiés dans d’autres collections et de nouveaux écrivains. Elle s’adresse aux enfants du primaire et du début du collège, les textes pour adolescents étant publiés dans les collections Théâtre contemporain et Théâtre en traduction. Elle est aussi tout public.
.1.
Oui.
Voilà.
Comment ça a commencé.
Je n’avais rien demandé.
Une copine de Maman ?
Une copine de Monette ?
Il y avait toujours des copines à la maison.
Je ne sais plus qui a posé la question en premier.
- Toi, Anis, t’aimerais pas avoir un frère ou une sœur ?
- T’en as pas marre d’être tout seul ?
En ce temps là
je vivais dans une maison avec des volets et des fenêtres.
Il y avait Maman et sa Monette.
Ma Monette et ma Maman.
Maman et Monette s’aimaient.
Moi, j’aimais Maman.
Moi, j’aimais Monette.
- Nous aussi, on t’aime, Anis.
On était tous les trois.
J’étais le grand.
J’étais le seul.
J’étais le grand de Maman.
J’étais le grand de Monette.
- Ça va mon grand ?
Maman et Monette n’avaient d’yeux que pour moi.
Bref, rien à redire.
- Il est mignon.
- Il est tellement trop mignon.
- Il est sage.
- Il mange bien.
- Il ne fait pas de caprice.
- Il est calme. Tellement calme.
- Obéissant.
- Il est précautionneux.
- Il range ses affaires.
- Il s’habille tout seul.
- Il est exemplaire.
- Il est gentil.
- Tellement gentil.
- Il demande pour tout.
- Il demande dès qu’il veut faire quelque chose, prendre quelque chose.
- C’ E S T UN A M O U R !
Bref autant dire que personne n’a fait attention à la question des copines
Il y avait beaucoup d’amour.
D e l’ a m o u r p o u r M o n e t t e,
d e l’ a m o u r p o u r M a m a n,
d e l’ a m o u r p o u r m o i.
U n e m o u c h e a t r a v e r s é l a p i è c e.
O N É T A I T B I E N !
Jusqu’à une nuit /
Où la question a fini par ressurgir /
.5.
- Salut Anis !
Oh non, pas elle.
Elianore.
La pipelette de la classe.
- Dis donc ! Y a tout le monde à l’école qui dit que tu vas avoir un frère ?! C’est vrai tu vas avoir un frère ? Anis, Anis, c’est sérieux pour de vrai ?
Qu’est-ce qu’elle a me parler avec sa petite bouche
la Pipelette de classe ?
- Tu vas avoir un frère ? Rho mon pauvre ! Eh les gars ! Anis va avoir un petit frère ! Eh ben tu vas morfler. Fini les pieds en éventails. Va falloir tout revoir. Ah ben oui ! Ça va être l’enfer ! L’enfer de chez l’enfer ! Tu vas détester ça.
Elle me fait tourner la tête avec ses mots.
Va-t’en vilaine !
- F i n i f i n i f i n i f i n i l a b e l l e v i e !
A partir de maintenant
plus rien à toi.
Tu devras partager tes affaires.
La maison : coupée en deux.
Les réponses : toujours les mêmes !
« Désolée Anis, je ne peux pas être partout.
Ton petit frère a plus besoin de moi que toi ! »
Je ne sais pas pourquoi tout tourne autour de moi.
La cour et les ballons.
La cour et les cordes à sauter.
- Et ça ne s’arrêtera pas là !
La cour et les bruits des autres enfants /
Je voudrais devenir un petit grain de poussière /
- U N E M A L E D I C T I O N !
Y en a qui sont obligés de quitter leur maison !
Je voudrais devenir un petit morceau d’herbe /
Je voudrais devenir plus petit que petit /
- L’ E N F E R !
Si j’étais toi, je commencerais à trembler/
Je voudrais me fondre et disparaître /
- MAÃŽTRESSE MAÃŽTRESSE !
Y a Anis qui pleure au fond de la cour !
Il va finir par tout inonder !
.12.
- Elyas, la petite voix que tu entends, celle de ma tête, c’est top secret.
– TOP SECRET, BOUCHE COUSUE !
– Elyas, j’avais peur qu’on ne se comprenne pas.
– Anis, j’avais peur que tu ne m’aimes pas.
– J’avais peur que tu sois un petit peu méchant.
– J’avais peur que tu ne veuilles pas jouer avec moi.
– J’avais peur que tu veuilles tous mes jouets.
– J’avais peur d’être tout seul.
– Raconte-moi, Elyas !
Tu es venu à pieds ou en avion ?
Tu es venu en bateau ?
C’est vrai que tu n’as plus de famille ?
Tu as croisé des loups ou des sangliers ?
Tu préfères les fraises ou les bananes ?
Tu as chaud ou tu as froid ?
Tu veux sortir ou tu veux rester au lit ?
Ton pays, il est au nord ou il est au sud ?
Il y a des animaux, des gros, des loups, des girafes, des autruches, des dauphins ?
Il y a la mer, l’océan ?
Un volcan ?
Des tremblements de terre ?
Des tremblements de mer ça existe ?
Des forêts ? Chaudes ? Froides ?
Ici il y a des sapins.
Tu connais les sapins ?
Et / Quand tu es triste, comment tu te consoles ?
On pleure quand on est triste et on pleure aussi quand on est joyeux ?
Elyas, dis, tu es fatigué ?
– Non.
– Alors regarde.
Tous les feutres de l’école.
Je vide mon sac.
Je trace un premier trait.
Comme ça.
Sur un mur.
Je me moque de si c’est une bêtise.
On la fait ensemble.
– Je trace un second trait.
On dessine une maison. Avec des fenêtres.
– Les écureuils y mangent des noisettes.
– Les voitures y ont des roues.
– Les vaches y font du lait et les brebis des agneaux
– Les cascadeurs y nagent dans les chutes du Niagara. Les piranhas y ont des dents, les forêts y sont vertes grandes. Les ours polaires sont dans le freezer.
– On dessine une grande table.
– On y met le couvert.
– Une assiette pour Maman. Une assiette pour Monette. Une pour toi. Une pour moi.
(…)