Cette collection, créée en mai 2009, accueille des écrivains déjà publiés dans d’autres collections et de nouveaux écrivains. Elle s’adresse aux enfants du primaire et du début du collège, les textes pour adolescents étant publiés dans les collections Théâtre contemporain et Théâtre en traduction. Elle est aussi tout public.
Personnages
Le Petit Héros
L’Amimaginaire
Le Grand-Père
Le Voisin
Un chemin. L’Amimaginaire parle, le Petit Héros écoute.
1 – Les Bornes
L’AMIMAGINAIRE
Sur le bord du chemin, il y a des bornes.
Tous les jours, on prend le chemin.
Pour aller ici ou là.
Un jour, tu as envie de courir partout.
Tu sautes par-dessus les bornes.
Papa t’a dit :
« Tu es un drôle de phénomène, toi
Tu dépasses les bornes. »
Ça veut dire que tu es sorti du chemin...
Tu as couru sans écouter papa.
En dehors du chemin, c’est plus intéressant.
Tu as vu la maison dans la forêt ?
Oui, c’est pour ça que tu as quitté la route.
Tu es allé jusqu’à la porte de la maison dans la forêt.
Il y a un secret dans la maison, c’est sûr.
C’est pour ça que papa ne voulait pas que tu dépasses les bornes.
LE PETIT HEROS
Sur le bord du chemin, il y a des bornes et des trous.
Tous les jours, on prend le chemin.
Pour aller ici ou là.
L’AMIMAGINAIRE
Un jour, tu as envie de courir partout.
Voici la porte.
2 – La porte
L’AMIMAGINAIRE
Viens.
Entre.
Tire la poignée.
Pousse la porte.
Ouvre la porte.
Qu’y a-t-il de l’autre côté ?
Oh !
De la lumière...
J’entends une voix...
Il y a quelqu’un ?
Qui est là ?
LE PETIT HEROS
C’est moi.
L’AMIMAGINAIRE
Qui toi ?
Dis-lui ton nom.
Le Petit Héros articule un nom qu’on n’entend pas.
Dis comment on te nomme
Ton nom à voix basse, c’est la clé de la porte.
Le Petit Héros articule un nom qu’on n’entend pas.
Avance.
Fais un pas vers la voix.
1 – Mon nom
(..) J’aime les arbres.
Quelqu’un a planté un arbre à ma naissance.
Je n’ai pas de frère. On m’a dit :
« Cet arbre, c’est comme ton frère. »
Ca veut dire quoi « comme » ? On m’a montré un miroir. On m’a dit :
« Regarde. L’image dans le miroir, ce n’est pas toi, c’est comme toi. »
« Comme », c’est ça.
J’ai rêvé que l’arbre de ma naissance était déraciné. Quand je me suis réveillé, je suis sorti, et j’ai vu que l’arbre était toujours là. Mais depuis, je n’aime plus cet arbre.
Mais si j’ai un frère, je ne rêve pas qu’il est déraciné. Ou alors, je pleure pour lui. Et je suis heureux quand je me réveille, quand je vois que mon frère est toujours debout, grand et fort, les pieds plantés dans le sol, la tête vers le ciel, fort comme un arbre.
Toi, tu n’es pas mon frère. Je te parle mais je sais que tu n’existes pas. Tu viens comme ça de temps en temps m’écouter raconter ce qui m’arrive et tu repars, quand le théâtre s’éteint, et je ne sais pas ce que tu fais. Où tu vas. Avec qui.
Je sais que toi-aussi tu as vu le monstre dans tes rêves. C’est pour ça que j’accepte de te parler. Les autres ne me croient pas.
Je suis sûr que ce qui est tombé dans la forêt, c’est le monstre. Il ne faut pas le laisser venir. Déjà quand il vient dans nos rêves, ce n’est pas bien, il faut se cacher. Mais s’il vient là, ici, dans ce théâtre, alors, là, ce sera terrible.
Je ne sais pas qui est ce monstre, ni ce qu’il fait, mais je sais qu’il ne faut pas le laisser venir. Il ne faut pas le laisser te voir. Il est pire que les loups. Parce que les loups, ils sont méchants, c’est ce qu’on dit, mais ils sont vrais. Ils ne viennent pas des mauvais rêves. Un bon fusil, un bon piège et on peut s’en protéger. On peut même vendre leur peau sur le marché. Même si leur peau, elle pue.
Le monstre, il ne veut pas te manger. Ce qu’il veut faire est pire.
Qu’est-ce qui est pire qu’être mangé ? On ne m’a pas répondu. On m’a seulement répondu : arrête avec tes histoires de monstre et de rêve, tout ça n’existe pas.
(…)
III 3 – Les loups
Quand les loups sont arrivés, j’ai quand même ouvert les yeux. Je ne sais pas pourquoi on fait comme ça, des choses qu’on n’a pas envie de faire, on les fait. On n’aime pas, on ne veut pas, on n’a pas envie mais on le fait quand même. Et on a peur.
Les loups font vraiment peur. La lune rousse brillait dans leurs yeux.
Ils ne ressemblent pas du tout au chien. Ils ont l’air si méchant.
Ce ne sont pas des amis. Ils ne ressemblent pas du tout à l’homme. Pour eux, je ne suis qu’un mouton. Ils n’ont rien à faire avec la laine. Seule la viande les intéresse. Je ne suis ni un « je », ni un « on », je ne suis qu’une viande.
Je voudrais être un arbre.
Alors, j’ai entendu le chien. Il est sorti en grondant. Il est sorti pour me défendre. Il a essayé de leur parler, avec des grondements de chiens, qui ressemblent aux grondements des loups, mais le grondement des loups, c’était une façon de rire. De rire du chien. De rire de moi. Les loups ont continué de marcher vers moi, lentement, leurs gueules ouvertes.
Le chien a sauté sur eux. Pour me défendre. Je crois que c’est un ami. Je crois que c’était un ami.
(...)
Pièce Coup de cœur 2018 de Théâtre(s), le magazine de la vie théâtrale.
« Le petit héros interroge tous ceux qui veulent bien répondre : son inquiétude le porte à recenser systématiquement les créatures et les situations qui l’effraient, le terrorisent. (…)
Nous découvrons avec lui "Onge", monstre absolument terrifiant qui révèle sa vocation pour l’horreur en exigeant du petit héros, s’il veut entendre son histoire, de se laisser absorber comme une proie, de "se laisser digérer".
Comment mieux montrer que nos terreurs nous habitent sans répit, jour et nuit ? (...)
Ce conte métaphysique est à l’usage des enfants qui ont l’âge de découvrir l’effroi de l’existence. »
[Fanny Carel, Revue des Livres pour enfants, n° 304, décembre 2018]
« Lancelot Hamelin mêle dialogue et récit et tend vers un univers fabuleux autant que psychanalytique. »
[Tiphaine Le Roy, Le Piccolo, septembre 2018]
« Bon livre.
Petit Héros est un garçon qui aime l’errance, il s’est trouvé un ami et plus précisément un Amimaginaire avec lequel il marche sur une route. Mais Petit Héros a très envie de sortir du droit chemin, d’aller de l’autre côté, il va oser puisqu’il est accompagné.
C’est ainsi qu’il va rendre visite à son grand-père et ses voisins. Il va dépasser les bornes au sens propre pour s’enfoncer dans le royaume des arbres où l’attendent les redoutables loups et un mystérieux monstre dont on annonce l’arrivée imminente...
Lancelot Hamelin nous propose ici d’accompagner Petit Héros dans son voyage et de partager ainsi son univers imaginaire qui, par définition, autorise toutes les expériences jusqu’à éprouver, par exemple, les délices de la peur mais aussi de la métamorphose... Qui n’a pas rêvé de devenir un jour le monstre redouté du conte ?
Le texte est dense, souvent très poétique et ludique. »
[Jean-Luc Gautier, Livr’jeune, avril 2019]
« Dans un univers imaginaire davantage construit par la parole que montré sur scène, ces thèmes se croisent et se tissent pour construire progressivement l’identité du Petit Héros : il n’a pas de nom, se revendique comme un je et non comme un on, se définit par ses peurs.
L’univers est celui des contes, petite maison dans la forêt, arbres, loups, monstres dévoreurs.
Tout ici est jeu : jeu avec les mots, quand les adultes croient sérieusement que la nuit tombe, jeu avec l’identité, jeu avec le double qu’est l’amimaginaire, jeu avec les peurs, jeu aussi avec le théâtre car le Petit Héros se donne explicitement comme personnage de théâtre, sait qu’on est au théâtre et évoque le lieu même du théâtre, qui risque aussi d’être dévoré par les monstres.
Mais ce jeu est celui des enfants, c’est-à-dire un jeu auquel on joue sérieusement.
La pièce parle donc du théâtre, boite noire, lieu de tous les possibles, lieu qui donne à voir au spectateur un double de lui-même, lieu de la parole et du merveilleux, de la magie, lieu où les peurs et les obsessions peuvent être dites et le monde convoqué par le simple pouvoir du verbe. »
[Michel Driol, Li&je, 28 mai 2019]
« Texte de théâtre et de poésie mêlés, où un enfant – le petit héros – parle à L’Amimagnaire, qui n’a de réalité que pour lui.
Avant c’est avec son grand-père qu’il aimait parler. Un grand-père conteur et poète qui lui disait qu’il était un fée Nomen et qui lui disait de mettre ses pas dans les siens. (…)
Le grand-père devisait aussi avec le voisin pour savoir pourquoi la nuit tombe, et où. « Mais un jour quelque chose est tombé du ciel dans la forêt » (…)
Le petit héros veut savoir quelle est cette chose et pour cela doit affronter la nuit, la peur et le monstre du cauchemar, reconnaitre qui est son ami. Pour grandir.
Une pièce polysémique à quatre personnages portée par une très belle écriture. »
[Revue InterCDI n°279, collège, mai-juin 2019]