Textes d’aujourd’hui pour le théâtre. Ces publications sont régulièrement soutenues par la Région Languedoc-Roussillon, et depuis 2003 par la SACD.
Début
Sur le seuil.
Je suis sur le seuil.
J’avance sur place, je n’avance pas.
Derrière moi, la vie.
Devant moi, la vie.
C’est quoi la vie ?
Je suis sur le seuil.
Je piétine, un pied sur l’autre.
Enveloppé dans un nœud.
J’ai le feu au cul, sur la nuque.
Un pied sur l’autre.
Je tasse, je tasse.
Le feu aux cheveux.
Et devant du froid qui m’attend, que je dois croquer pour en faire du chaud.
C’est quoi ces températures qui me prennent en sandwich ?
C’est quoi ces mâchoires ?
Je ne suis pas une viande, je suis un os, un peu de respect !
Ici, je mange le temps avec une paille car ma bouche ne porte plus de dents rigides, j’offre des gencives rouges aux lèvres des oiseaux qui passent.
Je hais les oiseaux, je les aime, je hais les oiseaux.
Ici, on me demande de grandir s’il te plaît, moi qui suis déjà si vieux, le plus vieux de tous par mes actes et mes horreurs.
J’ai les meilleures horreurs du monde.
Tu veux les voir ?
Je suis un vieillard naufragé sur un nouveau-né, ou peut-être l’inverse, un bébé échoué sur un vieux rocher et mon corps cherche son sauveteur parmi les étincelles de mon esprit.
J’ai encore des sauvageries blanches qui m’achètent.
La silhouette qui porte la voix apparaît. C’est un homme, c’est une femme, jeune ou moins jeune. C’est le résident (tous les résidents).
Extrait 2, plus loin
Autre temps. Le résident regarde le café couler, interminablement.
Quand je le regarde, le café passe plus vite.
Contrairement au temps, qui reste imperturbable.
C’est sans doute pour ça qu’on lit l’avenir dans le marc de café plutôt que dans une horloge.
L’avenir est plus proche dans le café.
Plus limpide.
Plus aimable.
Extrait 3, plus loin
LE RÉSIDENT : On obéit toujours à quelque chose et c’est toujours plus loin que ce qu’on croit. Tu penses que la réalité est devant toi, que c’est ce que tu vois, mais ce qui te dirige, c’est plus loin, c’est l’obscurité. Tu n’obéis qu’à l’obscurité et c’est ta lumière. Alors c’est un peu compliqué.
Temps
Moi je suis clean.
C’est ma mère qui est shootée.
C’est maman.
Je suis au service de sa mort ce qui m’évite de penser à la mienne et qui est d’un grand réconfort.
L’éducateur revient avec un pot de fleurs. Il prend la parole avec le résident
L’ÉDUCATEUR ET LE RÉSIDENT : Je suis si peu épais que ma mort n’en finit pas de me chercher. La mort n’imagine pas qu’un homme puisse devenir une abstraction.
Je ne possède pas de mort car ma vie est ridicule et le ridicule ne tue toujours pas.
Temps
L’ÉDUCATEUR : Il faudrait que tu te débarrasses de ta mère.
LE RÉSIDENT : Fais attention à ce que tu dis.
L’ÉDUCATEUR : Je sens qu’elle ne te convient pas bien.
LE RÉSIDENT : Ne parle pas comme ça de ma mère. Je pourrais te faire mal.
L’ÉDUCATEUR : Si tu veux, je te donne la mienne.
LE RÉSIDENT : Quoi ?
L’ÉDUCATEUR : Ma mère, je te la donne.
LE RÉSIDENT : Tu crois que c’est correct, donner sa mère ?
L’ÉDUCATEUR : Ça fait partie de mon travail.
LE RÉSIDENT : Putain de métier de chiottes !
L’ÉDUCATEUR : Ne rêve pas. C’est seulement pour la journée.
LE RÉSIDENT : C’était trop beau. Un moment j’ai cru que tu étais devenu un ami…Et qu’est-ce que je vais en faire de ta mère ? Une, ça me suffit.
L’ÉDUCATEUR : Tu lui parles. Elle t’écoute.
LE RÉSIDENT : Pourquoi ta mère m’écouterait ?
L’ÉDUCATEUR : Parce que je lui demande. Elle a des oreilles grandes comme des couvercles de poubelles.
LE RÉSIDENT : Et ma mère, pendant ce temps-là , qu’est-ce qu’elle devient ?
L’ÉDUCATEUR : Je m’en occupe.
LE RÉSIDENT : Tu t’en occupes comment ?
L’ÉDUCATEUR : Ca ne te regarde pas, c’est ma mère.
LE RÉSIDENT : Ma mère, c’est ta mère ?
L’ÉDUCATEUR : Jusqu’à minuit.
LE RÉSIDENT : C’est aussi simple que ça ?
(…)
La pièce est lauréate du Grand Prix de Littérature dramatique 2018, décerné le 16 octobre.
« La pièce de Jean Cagnard, publiée aux éditions Espaces 34, a le grand mérite d’offrir des scènes drôles et poignantes : on retiendra en particulier la scène de la cigarette, dans laquelle le résident exige de l’éducateur, qui lui demande donc une cigarette, la présentation d’une demande écrite et motivée. En peu de mots sont tournés en dérision le formalisme et l’absurdité du traitement administratif des toxicomanes.
La pièce offre également deux récits qui sont en réalité deux paraboles, la parabole de l’enfant écrasé (littéralement) par ses parents et celle de l’homme qui, n’étant jamais sur le « bon bord » de la rivière, finit par s’y noyer. Est ainsi dite, de façon convaincante et émouvante, la distance qui toujours sépare de la réalité, de l’autre, de l’amour. Est mise ainsi en image, en écho au titre de la pièce, la situation du toxicomane : « Quand tu es seul sur un trottoir et que toute la ville est sur le trottoir d’en face, c’est que tu es devenu toxicomane ». Le Beckett des Nouvelles et Textes pour rien (on songe à « L’expulsé » et au « Calmant ») n’est pas loin. (…)
Comment (re-)devenir entier lorsque l’on n’a plus que manque, lorsque l’on n’est plus que manque ? Et que propose la Société pour combler ce manque ?
On aperçoit alors toute la portée de la pièce, toute la pertinence de son sujet : la vie du résident, la vie de cet être « en manque », a bien une valeur morale et sociale : incarnant le manque, elle dit tout à la fois le vide d’une société où le soin est une technique, le vide d’une société sans amour. «
[Frédéric Dieu, Profession spectacle, 7 novembre 2017]
« L’édition de Quand toute la ville est sur le trottoir d’en face nous donne d’abord à voir en première de couverture une petite photo prise par Jean Cagnard : un zigzag herbu planté dans un sol minéral comme fissuré. Où commence-t-il ? Où finira-t-il ? Le monde semble tituber.
Le titre même de la pièce décrit quelque chose de l’ordre du déséquilibre, qui est prononcé par « le résident » (p.17) dans l’aveu de sa solitude face au reste de la ville. Comme l’image d’une vie, celle justement peut-être du résident qui parle dans la pièce. On ne sait jamais bien ce que sont les choses « une possible, une autre impossible » dira le texte en sa fin.
L’écriture et la parole ne sont que des incertitudes entre poésie et langage dramatique, posées sur le seuil de la vie et du texte. (…)
Malgré ce point origine « documentaire », Jean Cagnard élit le monde des « voix et des silhouettes » plutôt que celui des personnages comme l’indiquent les didascalies. Femme ou homme, jeune ou moins jeune, peu importe. Ces voix parlent, se parlent, disent ensemble quelquefois ou s’adressent au public. Parler comme une thérapie en exprimant parfois le désordre dans le langage (que contient l’assiette du résident ; des tomates farcies ou des haricots verts, du sang ?). Stichomythies du dérèglement, de la confusion. Dialogue insistant jusqu’à l’absurde autour d’une cigarette.
Et puis toujours la nécessité de raconter des histoires, de belles histoires : celle du garçon de sept ans qui vieillit vite (p.32-33), celle de l’homme qui est devenu un bout de bois (p.36). Celle encore de l’homme au bord d’une rivière, toujours sur la rive pluvieuse (p.43-44). Lui qui finira par boire toute la rivière, dont le corps sera rivière.
Il y a de l’impermanence dans cette parole d’ailleurs ; elle s’inscrit dans la discontinuité. Jean Cagnard n’a pas choisi un découpage de son texte en scènes mais en une succession de « temps et autre temps » plus ou moins espacés. La musique elle aussi joue la rupture entre l’instrument et le son qu’il produit. Ainsi l’harmonica du résident a-t-il le son d’une guitare électrique ou celui d’une trompette.
Seuls les objets, au fond, imposent leur présence métaphysique solide et durable, tout au long de la pièce. Ce ne sont pas de simples accessoires d’un décor mais bel et bien des sujets qui parlent en silence, écoutent en silence. La cafetière électrique et le café (« le monde »), liquide du temps qui s’écoule, qui crée aussi la lenteur, tel un sablier (p.11-23-31-42-52), reviennent en leitmotiv. D’autres objets organisent l’espace de la parole entre résident et éducateur : la table, l’assiette, le pot de fleurs, le cep, le stylo, le bloc de papier, la cigarette, les fleurs répandues au sol. Tous à leur façon sont théâtre, en vérité. Ils sont pris en main, déplacés, montrés, mêlés aux dialogues.
Quant à la matière des mots, elle se cherche et se retrouve. Elle se fait tantôt liste, récit, répliques, images. Et le commencement et la fin de la pièce font résonner des onomatopées, des bruits d’ailes sans doute des « flap, flap flap », un ailleurs du sens.
[Marie Du Crest, La Cause littéraire, 16 novembre 2017]
« La pièce a été écrite dans le cadre d’une rencontre de Jean Cagnard avec des résidents, des éducateurs dans un centre près d’Alès, spécialisé dans des séjours ouverts à des toxicomanes.
Pour lui, au fond, ce qui est en jeu pour les malades c’est un combat contre la mort. Il a écrit selon ses propres termes une succession de tableaux les uns à côté des autres.
Non pas Antonin Artaud et son Théâtre de la cruauté, mais écrire en « piquant la viande » comme les injections des toxicos, dit Jean Cagnard. »
[Marie Du Crest, à propos de Plateau virtuel club # 2, La Cause Littéraire, le 12 janvier 2018]
« Le Grand prix de littérature dramatique vient d’être décerné par le Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre (Artcena). Il récompense cette année Jean Cagnard, pour une pièce aussi brève que vertigineuse sur l’addiction.
Le titre de la pièce de Jean Cagnard vise moins l’effet de foule que l’effet de solitude. Une solitude peuplée, une solitude hantée, dont on comprend vite, à la lecture, qu’elle est celle d’un toxicomane, et qui va donner lieu à un déploiement de métaphores, dont le régime étonne à chaque page.
Le texte va et vient entre la vision hallucinatoire, le délire sage du décalage, la violence charnelle et symbolique qui n’est jamais tant dirigée vers l’autre qu’elle ne vise son auteur. Il met aux prises, dans une alternance calculée de longs monologues et de saynètes rythmées, un Résident et un Éducateur.
La richesse de la variation n’a d’égale que l’intensité de la blessure, source d’agressivité. La vivacité de l’échange emprunte à la routine du match d’improvisation lorsque les deux concurrents campent sur leurs positions. Entre enfermement symbolique et négativité du réel, le dialogue tourne en rond. (…)
Jean Cagnard, par ailleurs aussi romancier et poète, livre un texte tout en surface, qui jamais ne sombre dans l’expressivité susceptible d’accueillir ce qui aurait pu être un témoignage ou une confession.
À chaque page, à chaque réplique, à chaque phrase parfois, un gouffre s’ouvre sous les paroles des personnages, mais le lecteur-spectateur ne fait que l’entrapercevoir : à peine s’en émeut-il que la lecture l’emporte déjà vers une autre étendue de parole.
La rue est ainsi faite de plaques successives, brisées, mouvantes, qui ne mènent nulle part ailleurs que dans les nappes du langage, donnant à cette pièce une vraie force de tremblement, d’incertitude et de dissémination. »
[Christophe Bident, Le magazine littéraire, 26 octobre 2018]
« scènes criantes de réalisme, d’humour et de finesse, où le café comme troisième personnage omniprésent – et indispensable au travail éducatif – rythme les échanges et tissent cette relation entre le Résident et l’Éducateur ? »
[Sabrina Montagne et Sheila Louinet, Qui veut le programme, 3 octobre 2018]
« Au gré de l’écriture travaillée de Jean Cagnard, une prose poétique et cogneuse, le spectacle décolle du réel pour explorer l’intériorité pas si étrange, et certainement pas étrangère, d’un résident.
Au cœur d’un univers sonore où se conjuguent le flic floc d’une machine à café et le flap flap des ailes d’un ange, cette échappée poétique donne à approcher ce que souvent l’on ne veut pas regarder.
Que peut le cadre pour celui qui tente de ne pas glisser ? »
[Eric Demey, La Terrasse, 26 juin 2022]
« Le texte ardu s’enroule autour d’images crues, mystérieuses, de listes, stichomythies, méandres avec des voix, des silhouettes. On pense à William Burroughs qui déconstruisait le langage pour épouser la perception d’un individu plongé dans un environnement dont il ne partageait ni les stimuli, ni les codes.
La puissance de ce spectacle tient à l’interprétation de Julien Defaye, un physique à la Daniel Darc, chanteur du groupe Taxi Girl et héroïnomane décédé prématurément. Sa voix épouse les dérèglements, les syncopes, les ruptures, la musique d’une traversée des Bermudes chaotique.
Il est accompagné de Vincent Leenhard, éducateur à la présence cadrante qui tient bon sur le « trottoir d’en face ». On retiendra particulièrement la fable de l’homme au bord d’une rivière, toujours sur la rive pluvieuse, qui n’arrive jamais sur « le bon bord » la berge ensoleillée. Il finira par boire toute la rivière, son corps deviendra rivière.
Certains moments sont franchement drôles, notamment la scène de la cigarette qui voit le résident exiger de l’éducateur une demande écrite dûment rédigée et motivée pour lui offrir une cigarette, tournant en dérision le formalisme du traitement administratif des toxicomanes. (…)
Que savons-nous du courage insensé à mobiliser pour décrocher du produit, des raisons de le faire, en aurions-nous la force ? Quelque part un homme attend, un frère, un ami, il a vécu un jour de plus et c’est déjà beaucoup.
Merci à la compagnie 1057 Roses et à Artéphile pour cette création qui vous saisit et ne vous lâche plus !!! »
[Un fauteuil pour l’Orchestre, 28 juin 2022]
« Un spectacle délicat de Catherine Vasseur à la mesure de l’écriture entre prose et poésie de Jean Cagnard qui propose une vision de l’être attachante – esthétique et philosophie.
Dans la scénographie inventive de Cécile Marc, avec ses portes dessinées près du mur de lointain, une paroi blanche avance et recule sur le plateau, laissant place à une table et deux chaises de cuisine réduisant l’espace ou bien l’ouvrant, selon l’état plus ou moins heureux ou malheureux du héros. (…)
L’éducateur Vincent Leenhardt a la posture patiente attendue, celle d’une intériorité naturelle. Il est à la mesure exacte de la présence incandescente du résident incarné par le ténébreux et inconsolé Julien Defaye : même incertitude, même violente évidence d’appartenir au monde. »
[Véronique Hotte, Hottello, juin 2022]
« Magnifique texte de théâtre. (…)
La Compagnie 1057 Roses nous offre un bouquet de poésie sociale avec épines mais sans lamentations, un cri tripal qui se mue en hymne à la libération. (…)
Le spectacle de Catherine Vasseur et de Jean Cagnard jette une lumière éblouissante, poético-politique sur ce qui ne devrait pas cesser d’être un même espace commun, la rue de tous. Il invite le trottoir d’en face à regarder de l’autre côté. »
[Jean-Pierre Haddad, Blog culture du SNES-FSU, 2 juillet 2022]
« Catherine Vasseur adapte Quand toute la ville est sur le trottoir d’en face de Jean Cagnard, lauréat du Grand Prix de littérature dramatique 2018.
Avec ingéniosité et délicatesse, elle porte au plateau ce dialogue troublant et vertigineux entre un toxicomane multirécidiviste et son thérapeute. Loin des clichés, elle insuffle un vent poétique au cÅ“ur de ce chaos fait de bouffées délirantes, de paranoïas et de confidences sous influence. »
[Olivier Frégaville- Gratian d’Amore, L’Oeil d’Olivier, 4 juillet 2022]
« Nouveaux coups de cÅ“ur dans le Off Emmanuelle Bouchez, Joëlle Gayot, Fabienne Pascaud.
Le verbe de Cagnard est cru, brutal, volontairement provocant et incendiaire.
Il dit la détresse brûlante d’un drogué en manque (magistralement incarné par Julien Defaye), et en pleine cure de désintoxication dans un centre spécialisé, face à un éducateur impuissant mais plein de bonne volonté (Vincent Leenhardt).
Rarement aura été proférée avec une violence aussi « tripale », aussi physique, la douleur charnelle d’un toxico sur le chemin de la réintégration sociale.
Par son jeu à vif, Julien Defaye nous fait non seulement partager la descente aux enfers du paumé blessé dont il épouse la peau, mais sa remontée progressive vers la normalité. Ici ce sont de simples bouquets de fleurs qui lui redonnent peu à peu tous les courages. Sur le plateau pauvre et nu, on s’imagine les respirer avec lui… »
[Fabienne Pascaud, Télérama, 14 juillet 2022]
« Quel jeu magistral de Julien Defaye qui, même recroquevillé sur lui-même et silencieux, occupe tous les espaces. L’espace de la scène, l’espace du texte, l’espace des tripes du public.
Quelle claque théâtrale ! Une de ces représentations où plus rien n’a subsisté autour de moi, où les mots pour décrire ce que j’ai vécu par procuration n’existent pas encore, où la scène s’est emparée de moi sans me lâcher.
Un shoot d’émotion pure !
[ Myriam Chazalon, Vivant, juillet 2022]
« Quand toute la ville est sur le trottoir d’en face n’est pas un spectacle sur la toxicomanie, il nous parle plutôt depuis la toxicomanie, et plus précisément depuis le moment de la désintoxication.c (…)
Le texte, la mise en scène et la performance des acteurs dépassent le simple « regard sûr » pour nous proposer une immersion littéraire dans un autre monde, un autre espace du langage, celui de la toxicomanie. Ici le personnage s’exprime au nom des siens – « nous les toxicomanes » – dans une langue précise, saillante, qui percute et s’imprime dans nos esprits.
L’écriture ne cherche pas à imiter, à singer un parler malade, mais plutôt à explorer la langue créée, générée, par la maladie, pour nous faire ressentir toute la complexité de cette douleur.
Car ici la douleur génère une inventivité littéraire non pas par choix, par désir de sublimer la souffrance, mais bien plutôt comme une obligation, une nécessité de créer des images nouvelles, une poétique pour dire, un peu, l’ampleur du ressenti. Car c’est une douleur autant physique que psychologique qui se déploie ici et l’écriture semble chercher constamment à se situer dans une poétique de la faille, dans une exploration, une quête de ce que pourrait être un juste endroit de la langue. (…)
Par la lutte contre l’addiction, le toxicomane affronte avec une brutalité aiguë certains des questionnements humains les plus violents. Il est question de ce qui fait tenir et rend encore possible l’envie de guérir.
En découle dans le texte ce que l’on pourrait qualifier de « poétique de l’endroit » : l’endroit où l’on se tient, où l’on cherche à être, l’endroit que l’on fuit. (…)
La relation entre le soignant et le soigné est également explorée avec beaucoup de subtilité. (…)
Un spectacle à ne pas manquer, jusqu’au 26 juillet à Avignon. »
[Marie Blanc, L’Alchimie du verbe, 17 juillet 2022]
« Deux personnages se font face, le toxico, interprété avec la démesure nécessaire par Julien Defaye, et par Vincent Leenhardt pour l’éducateur, dont on ne sait plus s’il est surveillant ou complice. »
[L’Humanité, 19 juillet 2022]
« A l’Artéphile, Catherine Vasseur propose une mise en scène délicate du texte de Jean Cagnard, « Quand toute la ville est sur le trottoir d’en face » . Julien Defaye et Vincent Leenhardt, les deux comédiens, captivent par leur justesse.
Sur scène, tout commence dans le noir. Une voix pose ses mots dans la pénombre, obligeant le spectateur à scruter les ténèbres pour tenter d’en discerner l’auteur. Sans succès, dans un premier temps. Il faudra renoncer. Nous sommes sur le trottoir d’en face. Étrangers, séparés, de celui qui parle. Quand la lumière se fait, elle laisse à peine apparaître l’homme qui se tient face à nous. Halo mouvant, changeant, elle glisse, s’estompe, revient, comme si elle était en incapacité à se fixer.
Le beau travail de Catherine Noden sur les lumières accompagne les choix de mise en scène de Catherine Vasseur.
Pourtant, ce qui se joue sur scène est souvent déchirant. Entre le « résident » (Julien Defaye) et son « éducateur » (Vincent Leenhardt), un face à face poignant oppose celui qui se noie et celui qui lui tend la main.
Julien Defaye est saisissant de vérité. Sombre et lumineux, il touche au plus au point. Le manque taraude son corps et son esprit, mais le rire nait parfois de sa fantasque perception du réel.
Vincent Leenhardt offre un contre-point solide. Il est celui qui apporte les fleurs offertes symboliquement par le courage du toxicomane. Les fleurs s’accumulent sur la table. L’image fait mouche, évoquant le fil sur lequel se tient l’homme blessé et le choix qui s’offre à lui. Une tombe fleurie ou l’appel coloré de la vie. »
[M-La scène, juillet 2022]
« Une Å“uvre poignante. (…)
Comme la vie elle-même dans ces lieux de soins et de combat, le texte est fragmenté et porté par différentes écritures, dialogues, prose, poésie : ça parle, ça gueule, ça ressasse, ça ment, ça rumine, ça dit, ça cache, ça souffre…
Des moments forts et percutants portés par deux comédiens saisissants. »
[Midi-Libre, 11 janvier 2022]
Lecture par l’auteur à l’occasion du « salon du livre pas comme les autres », Cave Poésie René Gouzenne, Toulouse, le 17 septembre 2017.
Lecture par Julien Defaye et Vincent Leenhardt, en présence de l’équipe de création, La Bulle Bleue, Montpellier, le 24 septembre 2020.
Lecture à la SACD par Julien Defaye et Vincent Leenhardt le 5 novembre 2020 avant la création prévue début 2022 par la Compagnie 1057 roses, dirigée par Catherine Vasseur et Jean Cagnard.
Création dans une mise en scène de Jean-Michel Rivinoff, compagnie La Lune blanche, avec Alexia Krioucoff et Korotoumou Sidibé, à La Scierie, festival d’Avignon, du 17 au 28 juillet 2021.
Tournée 2021-2022
— Théâtre Nicolas Peskine, programmation La Halle aux Grains - scène nationale de Blois (41), les 7 et 8 septembre
— Château de Fougères, programmation du Centre des Monuments Nationaux (41), le 11 septembre
— Cercle laïque, Mer (41), le 23 octobre
— Médiathèque Albert Camus - EPCC Issoudun (36), le 5 novembre
— L’Atelier à spectacle - scène conventionnée de Vernouillet (28), le 10 mai 2022.
Création par la Compagnie 1057 roses dans une conception et réalisation de Catherine Vasseur et Jean Cagnard, une mise en scène de Catherine Vasseur, avec Julien Defaye et Vincent Leenhardt, au Cratère – Scène Nationale d’Alès (30), les 13 et 14 janvier 2022.
Tournée 2022
— Théâtre Le Périscope, Nîmes (30), les 20 et 21 janvier
— Festival d’Avignon, Théâtre Artéphile, du 7 au 26 juillet
Tournée 2024
— Espace Fayolle, Guéret (23), 15 février
— La Bulle bleue, Montpellier (34), 22 février
1 heure d’émission à écouter en podcast dont le principe est :
« Autour des auteurs publiés par les éditions Espaces 34, les étudiants de l’ENSAD de Montpellier, sous la direction de David Léon, travaillent leur voix, leur diction, le sens des textes. Une fabrique de l’art du comédien à entendre, entrecoupée par la parole des auteurs, de leur éditrice Sabine Chevallier, et de la dramaturge Marie Reverdy. Le texte se déploie également le temps d’une lecture faite par l’auteur, par les étudiants de l’ENSAD, ou par Béla Czuppon, comédien et metteur en scène, La Baignoire-Montpellier. »
http://www.radioclapas.fr/portfolio/plateau-virtuel-club/
1re diffusion vendredi 1 décembre 2017, émission 2
https://www.youtube.com/watch?v=7sOgXVi_kVA