Cette collection, créée en mai 2009, accueille des écrivains déjà publiés dans d’autres collections et de nouveaux écrivains. Elle s’adresse aux enfants du primaire et du début du collège, les textes pour adolescents étant publiés dans les collections Théâtre contemporain et Théâtre en traduction. Elle est aussi tout public.
p. 9-10
Automne
1 : Pourquoi ?
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Son cartable à ses pieds, Mira pleure, recroquevillée dans un coin de la cabane. Petite pluie fine dehors.
Mira.
Pourquoi ?
Pourquoi ?
POURQUOI ?
Pourquoi j’ai dit ça ?
Je pouvais pas me taire ?
Je pouvais pas tourner ma langue sept fois dans ma bouche avant de parler ?
Une sans-amie, UNE SANS-AMIE je suis, depuis ce midi !
Et sans-amie, ça dure toute la vie !
On peut pas travailler, on peut pas se marier, on peut pas
on devient une ermite dans la forêt
avec des ongles jaunes tout enroulés
des cheveux gris qui pendent jusqu’aux pieds et une barbe
non, pas de barbe
une ermite perchée tout en haut d’un arbre, immobile, toute ma vie !
À force de pas parler, on n’a plus de mots, on pousse des cris, on redevient sauvage
La bête, on va m’appeler
la bête de la forêt !
Eh, là-haut, regarde, c’est Mira, tu la reconnais ? On était ensemble à l’école primaire.
Han ! elle fout la trouille !
T’as vu ? T’as vu ? Mais qu’est-ce qu’elle mange ?
Des trucs sauvages, des noisettes vertes, des pommes acides, des champignons
bêrk
faut bien, pour pas mourir de faim
et des restes de picnic
mais pas des bêtes, eux ça sera mes amis.
QUOI ? J’AI DIT QUOI LÀ ?
J’ai PLUS d’amie depuis ce midi !
J’en aurai PLUS JAMAIS de ma vie !
p. 16
4 : Chips 1
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Dans la cour de récréation : des cris et des courses, des jeux dessinés par terre et des arbres, des maîtres et des maîtresses qui surveillent les enfants déchaînés qui s’éparpillent comme une volée de martinets. MaBoule tourne autour d’un arbre, solitaire. Soudain il relève la tête et va aborder Tom, qui semble hostile. MaBoule chuchote à l’oreille de Tom, le regarde, Tom et MaBoule parlent en même temps, MaBoule dit encore un mot, Tom ouvre et ferme la bouche comme un poisson rouge, MaBoule s’en va, le sourire aux lèvres.
p. 29-31
Printemps
1 : Les giboulées
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Il pleut légèrement. Plus qu’un petit bocal de pruneaux sur l’étagère. Assise sur des sacs de terreau, Mira chantonne au rythme de la pluie.
Mira.
Pourquoi // pourquoi // pourquoi // pourquoi //…
Le Calendrier Périmé. – On serait en mars, là.
Le Cartable. – Oké.
Le Calendrier Périmé. – Le, allez, le 21 mars 1978 ?
Le Cartable. – Ça m’étonnerait.
Le Calendrier Périmé. – Encore raté !
Des pétales d’arbres fruitiers roses et blancs tombent doucement dans la cabane.
Mira
Avant, j’adorais le printemps
c’était ma saison préférée.
L’air redevient doux, on enlève les manteaux
partout les nouvelles feuilles et la nouvelle herbe poussent, vert vif, partout
tellement vertes, mmmh, on voudrait les brouter
mais si y a plus personne avec qui le partager ?
Le Calendrier Périmé. – On est là, nous.
Le Cartable, bas. – Des humains, elle veut dire.
Mira
Quand il pleut comme ça, personne sort
privés de dehors : bien fait !
MOI, J’Y VAIS !
Mira sort, chante et danse sous la pluie, la boit puis retourne dans la cabane.
Mira
Mais c’est des larmes, ça aussi ?!
Les larmes de qui ? Du ciel ?
Qui c’est qui vous pleure, eh ?
/ / / /// ///
Qu’est-ce qu’on dit, qu’est-ce qu’on garde secret, oui
qu’est-ce qu’on pense, qu’est-ce qu’on veut crier…
Pourquoi tu te tais ?
Le Cartable, regardant le ciel. – Ça sera
pas long.
Mira
Eh, réponds, quoi !
Le Petit Bocal de Pruneaux. – Moi aussi, personne ne m’aime.
Le Calendrier Périmé. – Si, les vieilles dames.
Le Petit Bocal de Pruneaux. – Et personne ne m’écoute.
Moi aussi, je voudrais être comme tout le monde.
Rempli de belles pêches au sirop
ou de cerises.
Mais je suis tout petit et chaque fois,
c’est que des pruneaux qu’il y a
et chaque fois
// // ///// //// // ////
Mira
Oui, c’est vrai, personne n’est pareil.
Le Petit Bocal de Pruneaux, bas. – Et voilà…
/// //// // //////
Mira
Oui, bien sûr, pourquoi ce serait elles qui…
Non mais ras-le-bol des giboulées !
« C’est une pièce complexe sur la parole qui inclut, exclut, sur les solidarités, inimitiés qui traversent les groupes d’enfants. « Personne n’est pareil », même les bocaux de pruneaux se voudraient pêches ou cerises.
L’alternance des questionnements aigus monologués et de moments incongrus avec les objets, imprime à cette pièce une dimension musicale tragi-comique qui allège la tension éprouvée par Mira. Relations aux autres et apprentissages varient avec le temps qui passe : Mira vit le pire et le meilleur dans la solitude ou la rencontre et Maboule-Bruce reste avec des questions insolubles.
Karin Serres écrit pour les enfants une pièce existentielle comme un jeu d’enfant : pourquoi ? pour quoi ? disent-ils sans arrêt. Impressionnant, on aimerait voir les interprétations qu’en ferait une mise en scène. »
Danielle Bertrand, Ricochet, janvier 2013]
« La pièce démarre, Mira vient de se faire exclure de son groupe d’amis « … juste parce qu’un jour, à la récré de midi, j’ai juste dit / juste / ce que je pensais / le contraire des autres filles / et alors… ».
Alors Mira se cache dans la cabane de jardin et elle pleure jusqu’à inonder la cabane. Pour éviter de moisir, elle se met à refaire le monde en discutant avec son cartable, un calendrier périmé, le chœur des bocaux, dont le petit bocal de pruneaux, les araignées, la pluie…
La pluie s’exprime par des ///, elle rythme l’ensemble de la pièce, comme une réponse musicale aux larmes et au chagrin de Mira.
(…)
Chips personnel ! est une très jolie pièce jeunesse. Un hymne à la différence et à l’imaginaire. L’écriture de Karin Serres est sensible, à la hauteur des grands chagrins de l’enfance et des questions qui débordent.
Voilà une très jolie partition pour des comédiens avec une langue musicale et un théâtre d’objets inventif et joyeux. Une pièce qui donne envie de jouer. Chips ! »
[Laurence Cazaux, Le Matricule des Anges, n° 140, février 2013]
« Très bon livre
Une pièce très intéressante à mettre en scène avec des enfants. Ce jeu fait partie de leur univers.
Une œuvre réussie sur les conflits entre enfants et sur le pouvoir de la parole. De plus l’auteure aborde de riches questions existentielles. »
[Caroline Larose, Livre jeune Nantes, octobre 2014]
Ce texte, sous le titre Moi, dans ma tête ! est une commande d’écriture de Sophie Ottinger pour la compagnie « En verre et Contre Tout » (Nancy), qui l’a créé en janvier 2012 au Centre Culturel Pablo Picasso d’Homécourt, avec Polina Borissova et Stefane Marques.