Cette collection, créée en mai 2009, accueille des écrivains déjà publiés dans d’autres collections et de nouveaux écrivains. Elle s’adresse aux enfants du primaire et du début du collège, les textes pour adolescents étant publiés dans les collections Théâtre contemporain et Théâtre en traduction. Elle est aussi tout public.
L’heure blanche
Je m’appelle Blanche.
Je porte des robes blanches des culottes blanches des socquettes blanches et des tennis blanches.
Je n’aime pas la nuit.
Je n’aime pas les jeux d’enfants. Je n’aime pas plonger dans la piscine. Jouer à cache-cache. Je n’aime pas qu’on me fasse tourner avec un bandeau sur les yeux pour avancer à tâtons à la recherche des autres qui gloussent qui rient qui poussent des cris et appellent : Blanche par ici, Blanche par là.
J’aime l’été. Le sable dans l’île et l’heure de midi.
J’aime quand il n’y a pas d’ombre. Que les ombres même sont blanches.
C’est un pays très chaud où ma mère est née et m’emmène en vacances.
A midi personne ne sort.
Moi je vais jusqu’au bout du port et je vois tout ce que j’aime voir.
La plage à droite comme un voile de mariée.
La plage n’en finit plus de couler vers l’horizon. Une jeune fille en blanc marche sur la plage, la mariée entre dans la mer. Je la perds. Elle devient le ciel le sable l’eau et le soleil.
Ma mère accourt pour me mettre un chapeau blanc sur la tête.
Ma mère a une jupe blanche et un dos nu blanc. Et des lunettes de soleil noires.
Je déteste les lunettes de soleil.
Ma mère dit des mots : folle insolation trop chaud midi aveuglant mourir.
Je ne comprends pas ce qu’elle dit.
Je ne suis pas comme elle. Je n’ai pas chaud, pas mal à la tête et mes yeux aiment la lumière.
(...)
Toutes leurs robes noires
Personnages
L’enfant, La mère, La nuit, Le père
& éventuellement
La narratrice ou Le narrateur
Le texte en romain n’est pas attribuable à un personnage en particulier.
Il peut être réparti entre tous, donné à l’un d’entre eux ou bien à une narratrice ou un narrateur.
Tout ce qui est en italique est dit par les personnages.
L’enfant est dans son lit.
Sa mère est allongée à côté sur le lit.
Nuit noire.
Raconte-moi l’histoire, dit l’enfant
Il était une fois une petite fille aux très jolis cheveux bouclés et dorés
Pas celle-là, dit l’enfant
Une princesse vivait dans un château avec une marâtre très très méchante
Pas celle-là, dit l’enfant
Il était une fois un bûcheron et une bûcheronne qui avaient sept enfants, tous des garçons
Pas celle-là, dit l’enfant.
La mère se tait.
L’enfant attend. On les entend respirer.
Quelle histoire veux-tu, demande la mère
L’histoire qui est là
La mère se tait.
L’histoire, là
L’enfant montre, tend sa petite main dans le noir.
La mère se tait.
Tu la vois, là
Non je ne la vois pas, dit la mère
Elle est là, dit l’enfant
L’enfant montre à nouveau.
La mère se tait.
Là, demande la mère
Elle montre à son tour, elle étend son bras plus grand que celui de l’enfant.
Oui, là, dit l’enfant
La mère se tait.
L’enfant s’agite dans son lit.
L’histoire, là, elle attend, dit l’enfant
Elle attend dans le noir, insiste l’enfant
Je ne sais pas, dit la mère
C’est celle-là que je veux, dit l’enfant
La mère se tait.
La mère s’agite sur le lit.
L’ombre de l’enfant remue, et l’ombre de la mère remue également.
Dans le noir de la chambre, leurs ombres sont claires.
Tu sais bien, dit l’enfant, l’histoire qui est là dans le noir
Dans le noir il y a une histoire, l’histoire du noir, c’est celle-là que je veux
Je ne sais pas, soupire la mère
Raconte, dit l’enfant
C’est elle que je veux, dit encore l’enfant
La mère se tait.
Tu racontes toujours les mêmes histoires, dit l’enfant
Pourquoi tu ne racontes jamais celle-là, celle que je veux, demande l’enfant
histoire noire, dit à nouveau l’enfant
Je ne sais pas, soupire la mère qui s’agite encore un peu
Ça fait longtemps qu’elle attend
aussi j’attends, dit encore l’enfant
Je la vois, elle attend
Tu la vois, là