Éditions Espaces 34

Théâtre contemporain

Textes d’aujourd’hui pour le théâtre. Ces publications sont régulièrement soutenues par la Région Languedoc-Roussillon, et depuis 2003 par la SACD.

Extrait du texte

Partie 1

À la réflexion

Pacification
c’est pour ça qu’on était là-bas
pour pacifier
avec des armes
et des troupes


Aux champs

moi la médaille
je suis pas allé la chercher
on faisait les foins
alors la médaille


À la cuisine

en Algérie à l’époque
on dansait sur un volcan

on le savait
mais on était heureux

tous ensemble
les deux pieds dans le feu


Partie 2

Au foyer

l’Algérie
elle me manque un peu
pas trop
des fois
beaucoup
je sais pas
elle me manque partout


Au kebab

mais on est français maintenant
on a des enfants et tout
qui font les études et qui ont des enfants
on est pas des choses à emporter


A l’heure

C’est moi Fatima, je me réveille, je regarde le réveil, c’est l’heure, je me lave comme ça comme ça, les mains, la main gauche en premier, le front, les joues comme ça, je mets la gandoura, le hijab, et je vais prier dans ma chambre, pas longtemps, cinq minutes comme ça, et après j’enlève tout, la gandoura, le hijab, et je vais me laver, je m’habille, le pantalon, les chaussures, hop hop hop, les enfants ! C’est l’heure !

Comme ça tous les matins, on a pas le temps, mêmes les amies, si on dit qu’on boit un café, j’ai pas le temps, elles aussi, elles vont vite vite, avec les enfants, le travail, et tout et tout, on voit pas beaucoup les gens, un peu la voisine, elle vient chez moi, sinon pas trop les gens, on a pas le temps, on court toujours non ?

Encore j’ai mon mari, il m’aide un peu, pas la cuisine il sait pas, mais des fois il passe l’aspirateur, il s’occupe des enfants, que mon frère non, enfin un oui, il fait la maison propre propre, mais l’autre c’est un fainéant, il boit un café et il pose la tasse et il sort comme ça !

Mais mon mari non, il m’aide, il apprend les enfants, à l’école et tout, il apprend l’arabe aux enfants, on lit le Coran, la prière, j’apprends doucement aux petits, les paroles c’est dur au début, les enfants ils demandent toujours pourquoi, et moi je dis c’est comme ça, c’est obligé de vivre avec Dieu, et il faut marcher droit, pas mentir, pas voler, pas faire du mal, c’est comme ça.

Et il faut faire les études, ma fille elle veut la pharmacie, et mon fils la médecine, moi j’aime bien la médecine, mais il faut faire les études avant, et sinon il y a pas l’ordinateur, pas la télévision, sinon les enfants ils restent avec leurs copains et ils travaillent pas à l’école, alors hop, pas d’ordinateur des fois !

Et le travail c’est bien, moi je travaille depuis dix-huit ans, oui, dix-huit, bientôt vingt la médaille, oui, je travaille ici, je m’occupe des enfants, aujourd’hui on a dessiné le soleil, la mer, comme il fait froid, on a dessiné le soleil, oui oui !

Comme en Algérie, on y va les vacances, un mois, pas plus, moi j’aimerais plus, mais on peut pas, on reste là-bas un mois, moi j’aime là-bas, j’aime comme ici, moi je l’ai la double nationalité, parce que la France c’est mon drapeau, et l’Algérie c’est mon pays, mais je peux pas choisir, c’est comme entre le père et la mère, on peut pas choisir !

Partie 3

Au café

la maison des jeunes
c’est plein de vieux
qui se demandent quand les jeunes
vont venir jouer aux cartes avec eux


À la bouche

ici on a jamais de bisou
mon père une fois par an à l’aïd
et les amis c’est comme ça
tête contre tête

mais vous en France
c’est des fois quatre bisous

moi en France
j’irai dans la région des huit bisous


Au péage

on lancera des autoroutes sur la mer
à grande vitesse
France-Algérie en deux heures
avec les requins qui regardent
les voitures et les camions
passer sur l’autoroute

Haut