Éditions Espaces 34

Théâtre contemporain

Textes d’aujourd’hui pour le théâtre. Ces publications sont régulièrement soutenues par la Région Languedoc-Roussillon, et depuis 2003 par la SACD.

Extrait du texte

p. 18

Je voulais parler de l’innommable. De la terreur. Du meurtre.
Je voulais parler du retournement. De Janus. Du sourire et des dents.

Les journaux écrivent que c’est une tragédie.
L’art de la tragédie reposait sur l’art guerrier.
C’étaient des arts politiques.
Il n’y a pas de raison politique à l’atrocité de ces images.
La tragédie n’a plus cours au théâtre.
Même mises en scène ces images sont vraies.

Qu’est-ce qu’une photographie peut m’apporter comme preuve ?
Comme preuve de quoi ?
Qu’est-ce qu’une photographie interdit désormais de faire ? de croire ? d’imaginer ? de rêver ? de désirer ?
Qu’est-ce qu’une photographie interdit de penser ?

Regarde-moi. Je suis une femme. Dans la prison de papa je tiens des hommes en laisse. Dans ton lit je te dis je t’aime.

L’image ne tient pas compte de la réalité. La réalité ne tient pas compte de l’image.

C’est un vertige.

p. 21

(...)
Je pense que la femme sur la photographie arrête en moi d’autres images. Je pense que je vais m’arrêter à ces autres images. Je pense qu’écrire c’est m’arrêter à ces autres images. Je pense que je vais écrire ces images qui m’arrêtent. Je pense que la femme sur la photographie me met aux arrêts depuis quinze mois je pense que j’ai aimé une femme jusque dans la prison où elle nous a enfermées je pense que les images se superposent en avril j’ai rencontré celle dont je suis devenue l’amoureuse en mai j’ai vu la photographie de la femme qui tient la laisse en septembre l’amour s’est refermé comme une prison sur moi je pense qu’on ne peut pas aimer en prison je pense que je n’ai pas aimé ma mère
je pense que ma mère n’était pas aimable je pense que désormais je ne pourrai aimer qu’une femme qui m’aime je pense que la femme sur la photographie me trouble de bien des façons je pense que j’écris des choses troubles je pense que les hommes ne me troublent pas je pense qu’en lisant Dominique Fourcade je pensais que c’était une femme même si je sais très bien que Dominique Fourcade est un homme
(...)

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