Éditions Espaces 34

Théâtre contemporain

Textes d’aujourd’hui pour le théâtre. Ces publications sont régulièrement soutenues par la Région Languedoc-Roussillon, et depuis 2003 par la SACD.

L’été où le ciel s’est renversé

p. 24-25
La musique

Lalla
Cette chose que je veux
Et qui est à l’intérieur de moi
Cette chose que je veux
Je ne sais pas quoi
Avec moi-même je n’y arrive pas
Avec les autres je n’y arrive pas

Temps.

Unique
Et seule au monde
Et parfois je me sens si vieille
Seule la musique dans ma tête

Temps.

Je ne peux pas expliquer
C’est en moi je suis comme ça
Je ne suis pas une sorcière

Temps.

Les filles normales n’ont pas de
Musique dans la tête
Je ne veux pas être normale
J’aime la musique dans ma tête

Temps.

Quand je suis avec les autres
Je n’y arrive pas
Quand je suis seule
Je n’y arrive pas
Mais la musique joue dans ma tête
Alors je me sens des ailes
Cette chose que je veux
Je la veux plus que tout au monde

p. 29 à 33
Les nuits secrètes

Lalla, assise au bord de la fenêtre ouverte de sa chambre la nuit
Ce qui se passe en moi
Aura lieu de toute façon

Au loin sur la corniche qui longe la mer passe Luz en rollers.

Luz
J’aime la nuit
J’aime filer à toute vitesse
N’être plus que la vitesse et la mer

Luz croise Ariel avec son télescope.

Ariel
Toi tu brilles
Tu sais de qui tu es
Le soleil

Luz
Toi si tu étais moins fol
Moins lof
Moins seul
Moins lost

Nelle, dans sa chambre
J’ai pas le droit de sortir la nuit
J’ai pas le droit de fermer ma porte à clé
« Quand tu seras plus grande »
Mais je suis grande
Je suis partie déjà dans ma tête
Je suis loin personne ne va aussi loin que moi
Dans ma tête

Ariel
Ma tête
Vagabonde
Body nobody somebody
Mon corps monte
Pour
No nowhere
Somewhere
Danser
Sur le toit du

Lalla
Je l’entends qui
L’oie solitaire
S’enfuit
Dans ma tête
Agrandit le

Ariel
Monde
Domb domb
Domb domb
Domb domb domb domb
DOMB

Ariel danse.

Elle est ma reine
Elle est ma peine
Lallallallasdomb

Luz, file sur ses rollers en criant
Tu l’as trouvée ton étoile ?

Boï, sur les marches de sa maison, écoute de la musique sur un blaster
Les étoiles sont trop loin
La mienne est tout près
Pour l’embrasser
J’ai une idée
Tout est là dans ma tête
J’ai des ailes pour la retrouver

Lalla
Dans ma tête
Quel monde
Dans ma tête
Tournoie
Des ailes et des voix dans ma tête

Ariel
Domb domb
Domb domb
Tomb tomb tomb
Domb domb domb domb
Lalla

Pars
Va-t-en
Pars
Enlevez-moi
Mes sœurs d’ailes
Voir
Vivre
Voler

Elle prend son envol.

Ariel
DOMB
Je ne sais pas ce que c’est
Ce temps qui s’achève

Luz, Boï, Nelle, Ariel
Voir
Vivre
Voler

Nelle
Quand les oies se sont envolées
J’ai vu son visage
J’ai été bouleversée

Luz
J’avais oublié
Mais tout revient d’un coup

Nelle
Les mêmes
Non pas les mêmes

Ariel
Je ne voulais plus penser à elle
Après la fin de cet été
Quand l’automne est arrivé
Rien n’a plus été pareil

Nelle
À part vous deux

Luz
On a prolongé l’enfance

Boï
On est restés ensemble six années
Et puis
Ça s’est terminé aussi
J’ai été le dernier à partir

Nelle
Partir
On ne parlait que de ça
Ariel
Elle est partie
Et tout a explosé

p. 43 à 45
Les filles et les garçons

Les filles
Rester plus de cinq minutes avec un garçon
Échanger plus de trois phrases avec un garçon
Trouver un garçon intelligent
Intéressant
Les beaux garçons
Ça ne manque pas

Les garçons
Qu’est-ce qu’elles ont
Tout le temps
À se raconter
À se marrer

Les filles
Mais bon
C’est autre chose
Qui manque

Les garçons
Les filles c’est tout le temps des grappes et des secrets
Rires et regards sur le côté
Cheveux secoués jambes croisées recroisées
Ça m’échappe ça m’échappe

Les filles
Aller au ciné avec un garçon
Tenir la main d’un garçon
Les garçons sont les garçons sont

Les garçons
Nous on voudrait les embrasser
Pas besoin de parler
Ça m’échappe ça m’échappe

Les filles
Embrasser un garçon
Ne sais pas si
J’en ai envie

Les garçons
Nous on voudrait de nos yeux
Les manger
de nos mains de nos langues
Les agrafer
Nous on voudrait qu’elles nous croient
Même pas elles nous voient
Ça m’échappe ça m’échappe

Les filles
Est-ce qu’il n’y a que ça dans la vie
Les garçons

Les garçons
Quand on voudrait
Qu’on oserait qu’on se lancerait
Aller plus près les contacter
Elles font les effarouchées
Tout de suite cris offusqués
Les filles ça m’échappe

garçons & filles
Pourquoi vous nous cherchez
C’est vous qui nous cherchez
Vous nous cherchez
Vous nous trouverez

Nelle
J’avais du mal à suivre
Lalla se taisait

Ariel
Elle n’était pas là

Luz
Si

Ariel
Non
On croit qu’elle était tout le temps là
Parce qu’on ne pouvait pas se passer d’elle

Boï
On était jaloux qu’elle n’ait pas besoin de nous

Luz
Elle avait besoin de nous

Nelle
Je ne sais pas

Extraits de presse

« Claudine Galea développe un monde d’une poésie et d’une légèreté magnifiques.

Par petites touches, à la manière dont fonctionne une mémoire, en l’occurrence une mémoire collective, elle trace délicatement les contours d’un tableau, d’un paysage, d’un passage qui sépare et relie en même temps l’enfance et l’âge adulte, ce temps des 14 ans. Avec ses espoirs, ses désirs, ses amours avouées ou non, ses trous, ses manques, et ses images reconstruites, inventées parfois parce que trop rêvées. Et cette tension vers demain, vers l’ailleurs, vers l’inéluctable départ, comme la raison d’être d’une présence au monde.

(…) Le texte se présente comme une évocation, un surgissement d’images remontées du passé. Elles se mêlent, se déforment, et respirent encore au gré des émotions ressenties par les adultes face à cette essentielle part d’eux-mêmes. Part d’enfance. Part d’ombre et de lumière.
Et le lecteur, touché, partage avec les personnages beaucoup d’instants précieux de cette évocation.

La langue de Claudine Galea évite l’écueil de ce qui pourrait ressembler à une nostalgie d’adultes, les clichés d’une adolescence romantique. Il n’en est pas du tout question. Les grandes personnes, qui interviennent régulièrement tout au long du texte, ont toujours en eux cette étincelle qui brûle. Et une fois repartis chacun aux quatre coins du monde, chacun dans sa vie, sa famille, ils se souviendront longtemps qu’ « Une oie écrit ton nom dans ma tête ».

On se doute à la lecture, qu’il y a de la musique dans ce texte et du chant aussi, car seule la poésie peut porter cette incandescence qui allume les désirs au cœur des enfants, ce trouble vécu de la perte d’une innocence, et que cet entre-deux de la vie est sûrement son expression la plus pure. »

[Patrick Gay-Bellile, Le Matricule des Anges, n° 130, février 2012]


« (…) texte théâtral sur la sortie de l’enfance et le désir de liberté.

Quatre jeunes adultes se retrouvent 20 ans après un été de vacances à la fin desquelles l’une d’entre eux a soudain disparu. Comme une oie blanche dans le ciel.

Le texte alterne les moments de l’enfance, moments de souvenirs, et ceux des retrouvailles, qui occupent tour à tour le côté gauche ou le côté droit de la page. Tout est centré sur le personnage de Lalla, fille étrange et solitaire, qui n’aimait ni embrasser les garçons, ni s’habiller en fille. Ce qu’elle aimait c’est la musique qu’elle faisait dans sa tête et les oies qui partent, loin.

La langue fait entendre la petite musique de Claudine Galea, avec ses mots simples et ses images fulgurantes… »

[C.B., Zibeline, n° 50, 21 mars-18 avril 2012]


« L’été où le ciel s’est renversé, titre à la beauté picturale, poétique, fait remonter la fin de l’enfance (…) de quelques adultes, deux hommes et trois femmes.

Dans le passage du récit aux dialogues s’ébruite une musique intérieure, refluent les mémoires, l’inventée et la réelle. Dans le tuilage du passé et du présent s’éprouvent les sentiments, les séparations, les écarts de soi, à l’autre, au monde.

Sur la scène du Théâtre Jeune public, la langue dépouillée de Claudine Galea se meut en parole incarnée, dont les vertiges ricochent sur nous, les spectateurs. »

[VEP., Reflets DNA, 21 janvier 2012]


« La mise en scène épurée d’Ève Ledig et la langage dépouillé de Claudine Galea ouvrent les portes à un questionnement sur les enjeux de ce temps parfois vécu comme au bord du précipice (…).
Le chant accompagne les mots, leur donnant souffle de vie et profondeur.

(…) Par le biais d’un théâtre musical contemporain plein d’humour et de nostalgie, L’été où le ciel s’est renversé touche petits et grands en traitant la mutation ambiguë que subit chacun en passant de l’adolescence à l’âge adulte (…).
Un petit bijou de légèreté et de poésie au répertoire du Fil rouge théâtre ».

[Claire Tourdot, DNA, 1er janvier 2012]


« Les rencontres, les questions, les doutes. Les premières amours, les corps qui se métamorphosent, les différences. Les envies, la jalousie, le rêve, la réalité. Les absences. Autant de sujets qui font ou refont surface tandis que les oies sauvages, comme un fil rouge, rythment les différents tableaux.

Des oies dont on sait que le vol invite aussi à se mettre en quête d’univers inconnus. »

[Didier Humbert, L’Est Républicain, 26 janvier 2012]


Le texte à l’étranger

Traduction en allemand par Gundula Schiffer, 2014.


Vie du texte

Création par la compagnie Le Fil rouge théâtre, dans une mise en scène de Eve Ledig, de la pièce en "Théâtre chanté pour un chœur de cinq interprètes", composition et direction musicale : Jeff Benignus, au Théâtre Jeune Public, CDN d’Alsace à Strasbourg du 17 au 21 janvier 2012.

Tournée de création 2012
— La Méridienne, théâtre de Lunéville (54), 25 et 26 janvier
— La Filature, scène nationale de Mulhouse (68), 2 et 3 février
— L’Hippodrome, scène nationale de Douai (59), 16 et 17 février
— Opéra de Reims et festival Méli’môme (51), 3 et 4 avril
— Grand Théâtre, scène conventionnée de Lorient (56), 3 et 4 mai
— Festival Spot, Biel/Bienne, Suisse, 9 et 10 mai

Haut